Mots et cultures de l'indiscipline: Les graffiti des mutins de 1917

Geneses

Volumn 59, Issue 2, 2005, Pages 25-46

  Loez, André ^a  

^a NONE

Author keywords

[No Author keywords available]

Indexed keywords

EID: 67649229701     PISSN: 11553219     EISSN: None     Source Type: Journal    
DOI: 10.3917/gen.059.0025     Document Type: Article

References (63)

1. Gareth Stedman Jones, Languages of Class. Studies in English Working Class History, 1932-1982, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, principalement « Rethinking chartism», pp. 90-178.
2. L'étude classique de Guy Pedroncini, Les mutineries de 1917, Paris, Puf, 1967, a été renouvelée de manière décisive dans le cadre d'une division par Leonard V. Smith, Between Mutiny and Obedience. The Case of the French Fifth Infantry Division during World War I, Princeton, Princeton University Press, 1994. Pour des inflexions récentes, voir André Loez, « Si loin, si proche du 16 avril: les mutineries de 1917 », et Denis Rolland, « Révolte à Vendresse», in Nicolas Offenstadt (éd.), Le Chemin des Dames. De l'événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, pp. 47-61 et pp. 206-216. D. Rolland prépare une réévaluation globale: La grève des tranchées, Imago, à paraître en 2005.
3. Cette notion est avancée par Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, « Violence et consentement: la "culture de guerre" du premier conflit mondial», in Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (éd.), Pour une histoire culturelle, Paris, Seuil, 1997, pp. 251-271
4. et reprise dans 14-18, Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000;
5. pour une lecture critique voir Rémy Cazals, «1914-1918: oser penser, oser écrire», Genèses, no 46, 2002, pp. 26-43;
6. le dossier réuni par Le Mouvement social, no 199, 2002, pp. 95-119;
7. Nicolas Mariot, « Faut-il être motivé pour tuer ? Sur quelques explications aux violences de guerre », Genèses, no 53, 2003, pp. 154-177;
8. et la mise au point de Nicolas Offenstadt, Emmanuelle Picard, Philippe Olivera et Frédéric Rousseau dans F. Rousseau (éd.), Guerre, paix et sociétés 1911 1947, Paris, Atlande, 2004, pp. 667-674.
9. Ces rapports sont conservés au Service historique de l'armée de terre (Shat), cartons 16 N 1522 et 16 N 1523. On a respecté ici l'orthographe de ces transcriptions. Je remercie Johanna Siméant, Thierry Hardier, Nicolas Mariot et Nicolas Offenstadt pour leur lecture d'une version initiale de cet article et leurs remarques critiques.
10. Thierry Hardier a montré que 75, 1 % des traces rupestres recensées dans les carrières souterraines de l'Aisne et de L'Oise («creutes») comportent une identification plus ou moins précise de leurs auteurs. Voir sa thèse en cours (université de Paris I) sur les inscriptions rupestres durant la guerre.
11. Christophe Charle, La crise des sociétés impériales. Allemagne, France, Grande-Bretagne, 1900-1940. Essai d'histoire sociale comparée, Paris, Seuil, 2001, pp. 259-261, qui opère une relecture fine des statistiques non pondérées de G. Pedroncini; pour les grèves voir Jean-Louis Robert, Les Ouvriers, la Patrie et la Révolution, Paris 1914-1919, Paris, Les Belles Lettres, 1995, pp. 131-133:
12. les pics d'intensité des mutineries et des grèves parisiennes coïncident presque exactement.
13. G. Pedroncini, Les mutineries, op. cit, p. 178. Il ne consacre que trois pages à ces faits. Sur les permissionnaires, voir Emmanuelle Cronier, « L'anticipation, l'expérience et la remémoration des permissions, un ressort du moral combattant pendant la première guerre mondiale», in Rémy Cazals et Emmanuelle Picard (éd.), La Grande guerre, pratiques et expériences, Toulouse, Privat, à paraître en 2005.
14. Pierre-Gaston Barreyre, Carnets de route de P. G. Barreyre, poilu girondin, Bordeaux, Centre régional de documentation pédagogique, 1989, p. 95.
15. Henri Désagneaux, Journal de guerre 14-18, Paris, Denoël, 1971, pp. 130-131.
16. G. Pedroncini, Les mutineries..., op. cit, pp. 256-260.
17. Minutes du jugement en conseil de guerre 971, du 27 septembre 1917, Shat J 2 023.
18. Charles Galliet, Notre étrange jeunesse. Des jours sans horizon à la garde du Rhin, 1916-1919, s. l., 1967, p. 60.
19. H. Désagneaux, Journal, op. cit, pp. 130-131.
20. Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, Paris, La Découverte, 1997, p. 19.
21. Voir aussi H. Désagneaux, Journal, op. cit, pp. 18 et 22.
22. Cette coexistence d'un registre traditionnel ou grivois avec celui, contestataire, des mutins, se vérifie pour les chansons: si la plupart des témoins rapportent que les permissionnaires chantent l'Internationale, André Zeller se souvient dans Dialogues avec un lieutenant, Paris, Plon, 1971, d'avoir entendu, lors des mutineries, des chants sur le thème du « chef de gare cocu», p. 125.
23. Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Seuil, 1996 [1949], p. 87.
24. juin 1917. Il est d'usage pour les appelés d'une nouvelle classe d'âge de peindre ainsi leur plaisir d'entrer dans la guerre et d'intégrer le groupe combattant, voir le document 2.
25. John Bushnell, Moscow Graffiti: Language and Subculture, Boston, Unwin Hyman, 1990.
26. Voir Robert A. Nye, Masculinity and Male Codes of Honor in Modern France, New York et Oxford, Oxford University Press, 1993, notamment pp. 225-227.
27. Céline Braconnier, «Braconnages sur terres d'État. Les inscriptions politiques séditieuses dans le Paris de l'après-Commune (1872-1885) », Genèses, no 35, 1999, pp. 107-130.
28. Pour une analyse remarquable des enjeux de la mobilisation, voir C. Charle, La crise, op. cit, pp. 203-205.
29. Laurent Gervereau, « La propagande par l'image en France 1914-1918. Thèmes et modes de représentation », Images de 1917, Nanterre, Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, 1987, pp. 98-195.
30. Bien que plus concerné par les contenus que les supports, il montre clairement la force visuelle du discours dominant: « La contre-propagande a beaucoup de mal à produire en France les images de ses idées», p. 147.
31. e siècle, Paris, Odile Jacob, 1998, citation p. 308.
32. Ce concept forgé par Charles Tilly (présenté dans « Les origines du répertoire de l'action collective contemporaine en France et en Grande-Bretagne», Vingtième siècle, no 4, 1984, pp. 89-108
33. abouti dans Popular Contention in Great Britain 1758-1834, Cambridge, E-U, et Londres, Harvard UP, 1995), a fait l'objet de nombreuses critiques qui pointent son aspect métaphorique (voir par exemple Mark Traugott, « Barricades as Repertoire: Continuities and Discontinuities in the History of French Contention », Repertoires&Cycles of Collective Action, Durham et Londres, Duke UP, 1995, pp. 45-56). Mais il reste stimulant en tant que tel, à plus forte raison pour les mutineries qui ne sont pas le fait d'un groupe social constitué au répertoire établi mais doivent improviser des modes d'action hété roclites.
34. Voir Rémy Cazals et Frédéric Rousseau, 14-18, le cri d'une génération, Toulouse, Privat, 2001, p. 8.
35. e DI, Shat J 1910, et télégramme chiffré, 27 juin 1917, Shat 6 N 146.
36. Ainsi la lettre menaçante adressée à un député par un mutin, interceptée par le contrôle postal, Shat 19 N 305, et celles citées par L. V. Smith, Between, op. cit., p. 193.
37. Document manuscrit, conservé au Shat, 16 N 1522.
38. La prégnance obsédante de ce cri lors des mutineries se lit, par exemple, dans le témoignage de Yulien de Caseboune, U Souldat biarnès à la guèrre: 1916-1919, Pau, Casebonne, 1988, où c'est la seule phrase transcrite en français dans un texte écrit en béarnais, p. 20: «lous souldats be criden coum hous: "à bas la guerre" » [les soldats, ils crient comme des fous: «à bas la guerre». Merci à Hubert Dutech pour sa traduction].
39. S. Audoin-Rouzeau et A. Becker, Retrouver, op. cit, p. 128.
40. Voir Jean-François Jagielski, « Modifications et altérations de la perception du temps chez les combattants de la Grande Guerre», in R. Cazals, E. Picard, La Grande guerre, op. cit.
41. La thèse d'une intense haine jusqu'en 1918 est défendue avec force par Bruno Cabanes, La victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Seuil, 2004; ici on suivra plutôt N. Mariot, «Faut-il être motivé », op. cit., qui montre les limites d'une approche centrée sur les discours. Voir aussi Antoine Prost, « Les limites de la brutalisation. Tuer sur le front occidental, 1914-1918 », Vingtième siècle, no 81, 2004, pp. 5-20.
42. Voir Michael Jeissmann, La patrie de l'ennemi. La notion d'ennemi national et la représentation de la nation en Allemagne et en France de 1792 à 1918, Paris, CNRS, 1997, qui étudie avec clarté ces stéréotypes.
43. John Horne, Alan Kramer, German Atrocities, 1914. A History of Denial, New Haven et Londres, Yale University Press, 2001, pp. 317 et suiv., «Sustaining the meaning of 1914».
44. Voir l'ouvrage dirigé par N. Offenstadt, Le Chemin des Dames, op. cit.
45. L. V. Smith, Between, op. cit, pp. 195-206.
46. Voir John Horne, «"L'impôt du sang": Republican Rhetoric and Industrial Warfare in France, 1914-18 », Social History, vol. 14, no 2, mai 1989, pp. 201-223.
47. Sur les «embusqués», voir la thèse en cours de Charles Ridel (université de Picardie-Jules Verne) et l'article de Philippe Boulanger, « Les embusqués de la Première Guerre mondiale», Guerres mondiales et conflits contemporains, no 192, 1998, pp. 87-100.
48. juin 1917. Jean-Yves Le Naour, « La faute aux "Midis". La légende de la lâcheté des méridionaux au feu», Annales du Midi, vol. 112, no 232, 2000, pp. 499-515, a analysé cette accusation.
49. S. Audoin-Rouzeau et A. Becker, Retrouver, op. cit, p. 137.
50. Les développements des pages 134-156 de l'ouvrage s'appuient sur des textes émanant exclusivement d'intellectuels, d'officiers et d'hommes d'Église. Pour approcher les représentations partagées par le plus grand nombre, le graffiti constitue donc un contrepoint utile à ces sources, attestant d'un possible refus de la croyance et du discours religieux sur la guerre, déjà mis en évidence par Maurice Agulhon, aux pages 316-317 de La République. L'élan fondateur et la grande blessure (1880-1932), Paris, Hachette, coll. «Pluriel», 1990.
51. Sur le silence forcé des anarchistes durant le conflit, voir Jean Maitron, Le mouvement anarchiste en France, 2 vol., Paris, Maspero, 1975 (rééd., Gallimard, 1992, vol. 2, Le mouvement anarchiste de 1914 à nos jours).
52. Voir Thierry Bonzon, «Des tranchées au Palais-Bourbon (des pacifistes au temps de Verdun) », Mots, les langages du politique, no 24, 1990, pp. 55-70, où il étudie un corpus publié par ailleurs avec Jean-Louis Robert, Nous crions grâce, 154 lettres de pacifistes, Juin-Novembre 1916, Paris, Les Éditions ouvrières, 1989.
53. L. V. Smith, Between, op. cit, p. 193:
54. « Socialism, I would suggest, provided a language of protest already in place.»
55. Encore une fois, on reprend les analyses décisives de C. Charle, La crise, op. cit., p. 201, qui montre que ce n'est pas le régime en tant que tel qui est défendu en 1914 (« qu'en est-il pour le paysan catholique insurgé contre la République combiste huit ans plus tôt?»), mais un espace de repères et de valeurs, dont participe un égalitarisme républicain aussi bien que catholique, qui s'oppose au stéréotype social de la nation ennemie (ainsi, le militarisme prussien/protestant).
56. Maurice Agulhon, Les métamorphoses de Marianne. L'imagerie et la symbolique républicaines de 1914 à nos jours, Paris, Flammarion, 2001, p. 32.
57. Sur la propension des officiers et du commandement à penser en termes de « meneurs » quels que soient les faits, voir L. V. Smith, Between, op. cit, pp. 206-215
58. et N. Offenstadt, Les fusillés de la Grande guerre et la mémoire collective (1914-1999), Paris, Odile Jacob, 1999, pp. 44-45.
59. Sur le contexte des mutineries et le rôle des évé nements de Russie, voir A. Loez, « Si loin, si proche du 16 avril», op. cit.
60. Extrait de lettre, Contrôle postal du 30 juin 1917, Shat 6 N 146.
61. Extrait de lettre, Contrôle postal du 9 juin 1917, Shat 16 N 1521.
62. Rapport du commissaire de police de Senlis, 10 juin 1917, Shat 16 N 1521, évoquant les incidents dans les gares.
63. M. Agulhon, La République, op. cit, p. 303.