Constructions savantes et légitimation des politiques européennes

Revue Francaise de Science Politique

Volumn 60, Issue 6, 2010, Pages 1091-1113

  Roger, Antoine ^a  

^a IEP de Bordeaux   (France)

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EID: 78651235221     PISSN: 00352950     EISSN: None     Source Type: Journal    
DOI: 10.3917/rfsp.606.1091     Document Type: Article

References (73)

1. Jacques de Maillard, « la Commission, le vin et la réforme », Politique européenne, 5, 2001, p. 68-84, dont p. 74.
2. La Commission demande que les pratiques œnologiques puissent être définies et modifiées dans le cadre du dispositif prévu pour l'application du règlement de base, c'est-à-dire par un texte qu'elle publierait elle-même, après discussion et avis du comité de gestion des vins (organisme composé d'experts nationaux et présidé par un directeur de la DG AGRI). L'enrichissement et l'acidification des vins resteraient du ressort du Conseil des ministres européens de l'Agriculture [COM (1998) 370 final, 16 juillet 1998].
3. Commission européenne, « Vers un secteur vitivinicole européen durable », communication au Conseil et au Parlement européen [COM (2006) 319, 22 juin 2006].
4. Vivien Schmidt, Claudio Radaelli, « Policy Change and Discourse in Europe. Conceptual and Methodological Issues », West European Politics, 27(2), 2004, p. 183-210.
5. La catégorie « Nouveau Monde » (« New World ») a été forgée par les producteurs américains et australiens au début des années 1990 pour afficher leur communauté d'intérêt face à leurs concurrents européens. par extension, elle englobe aujourd'hui les entreprises sud-africaines, chiliennes, argentines, etc.
6. Les producteurs du « Nouveau Monde » ont souvent pour avantage supplémentaire de pouvoir employer une main-d'œuvre bon marché (les exploitations californiennes ont notamment recours à des saisonniers mexicains).
7. Niilo Kauppi, Democracy, Social Resources and Political Power in the European Union, Manchester, Manchester University Press, v42005;
8. Jay Rowell, Emmanuel Henry, « la construction des problèmes publics en Europe: perspectives de recherche », dans Aurélie Campana, Emmanuel Henry, Jay Rowell (dir.), La construction des problèmes publics en Europe, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2007, p. 205-222.
9. Les auteurs qui mobilisent les théories du choix rationnel s'affrontent sur la question de savoir si la Commission a seulement le pouvoir de définir l'agenda des réformes ou si elle est en mesure de peser sur les délibérations au sein du Conseil. dans la première hypothèse, les États membres défendent des positions arrêtées. les hauts fonctionnaires européens élaborent leurs propositions en anticipant les coalitions qui peuvent en résulter. en se plaçant à un point médian, ils maximisent leurs chances de succès (George Tsebelis, Geoffrey Garrett, « Agenda Setting Power, Power Indices, and Decision Making in the European Union », International Review of Law and Economics, 16(3), 1996, p. 345-361). Pour analyser la réforme de l'OCM vitivinicole, il suffirait ainsi de considérer que la Commission a pris en compte les réactions des gouvernements nationaux enregistrées en 1998 et élaboré un nouveau projet en y glissant ça et là les réponses appropriées: des mesures favorables à tel État membre auraient permis de le gagner à la réforme et d'éviter que ne se constitue un front du refus. L'hypothèse alternative met l'accent sur des positions évolutives, révisées au cours des discussions
10. (Susanne K. Schmidt, « Only an Agenda Setter? The European Commission's Power over the Council of Ministers », European Union Politics, 1(1), 2000, p. 37-61). Elle invite à considérer que les services de la DG AGRI ont sciemment introduit des points de crispation dans la liste de leurs propositions pour donner aux gouvernements récalcitrants l'impression d'avoir été entendus au final (arrachage; droits de plantation), tout en tenant d'autres chapitres à l'écart des débats (pratiques œnologiques). Ce jeu à double niveau serait appuyé sur un art consommé de la controverse: en polarisant l'attention d'acteurs très divers, certaines questions produiraient un effet de brouillage. Là encore, il serait possible d'établir que la Commission a déployé une stratégie particuliè rement efficace en 2007, grâce aux leçons tirées de ses échecs antérieurs. par delà leurs divergences, les deux analyses attribuent un rôle décisif aux calculs des hauts fonctionnaires européens. Nous prenons le parti de rompre avec ce postulat et de déplacer l'éclairage vers les luttes de légitimation dans lesquelles s'insèrent les choix effectués: selon notre analyse, la clé du changement enregistré en 2007 ne se trouve pas dans la définition de l'agenda ni dans le cours des délibérations, mais dans des rapports de force plus généraux établis en amont.
11. Cécile Robert, Antoine Vauchez, « L'académie européenne. Savoirs, experts et savants dans le gouvernement de l'Europe », Politix, 89, 2010, p. 9-34.
12. Cécile Robert, « L'expertise comme mode d'administration communautaire. Entre logiques technocratiques et stratégies d'alliance », Politique européenne, 11, 2003, p. 57-78.
13. Peter M. Haas, « Epistemic Communities and International Policy Coordination », International Organization, 46(1), 1992, p. 1-35, dont p. 2.
14. Peter M. Haas, « Policy Knowledge: Epistemic Communities », dans Neil J. Smelser, Paul B. Baltes (eds), International Encyclopedia of the Social and Behavioral Sciences, Amsterdam, Elsevier, 2001, p. 11578-11586.
15. Marie-France Garcia-Parpet, « Représentations savantes et pratiques marchandes », Genèses, 25, 1996, p. 50-71, dont p. 59.
16. Louis Pinto, « le consommateur: agent économique ou acteur politique », Revue française de sociologie, 31(2), 1990, p. 179-198, dont p. 180. au cours des années 1970, et dans un autre registre, la presse spécialisée (50 millions de consommateurs, Que choisir?) a contribué à « autonomiser la figure du consommateur par rapport aux différents univers sociaux auxquels elle était jusqu'alors associée »
17. (L. Pinto, ibid., p. 194).
18. Notre recherche s'insère dans le projet « Gouvernement européen des industries » (GEDI), piloté par Andy Smith et financé par l'Agence nationale de la recherche. Nous remercions nos partenaires de travail pour leurs commentaires sur les ébauches de ce texte.
19. Nathalie Jas, « Déqualifier le paysan, introniser l'agronome: France 1840-1914 », Écologie et politique, 31, 2005, p. 1-11, dont p. 2.
20. N. Jas, ibid., p. 11. voir aussi du même auteur: Au carrefour de la chimie et de l'agriculture. les sciences agronomiques en France et en Allemagne, 1840-1914, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2001.
21. e siècle », dans Christophe Bonneuil, Gilles Denis, Jean-Luc Mayaud (dir.), Sciences, chercheurs et agriculture. pour une histoire de la recherche agronomique, Paris, Éditions Quae/L'Harmattan, 2008, p. 45-59.
22. Alessandro Stanziani, « Action économique et contentieux judiciaires. le cas du plâtrage de vin en France. 1851-1905 », Genèses, 50, 2003, p. 71-90, dont respectivement p. 77, 81 et 89.
23. Franck Cochoy, « Figures du client, leçons du marché », Sciences de la société, 56, 2002, p. 3-23, dont p. 3.
24. e siècles) », Annales de Géographie, 614-615, 2000, p. 345-363, dont p. 346.
25. Raphäel Schirmer, « le géographe et l'expertise dans le domaine des vins », communication au colloque « de Jules Guyot à Robert Parker: 150 ans de construction des territoires du vin », MSH de Dijon, 13-15 novembre 2008.
26. Christophe Bonneuil, Gilles Denis, Jean-Luc Mayaud, « pour une histoire des acteurs et des institutions des sciences et techniques de l'agriculture et de l'alimentation », dans C. Bonneuil, G. Denis, J.-L. Mayaud (dir.), Sciences, chercheurs et agriculture..., op. cit., p. 5-44, dont p. 24.
27. Christophe Bonneuil, Frédéric Thomas, « L'INRA dans les transformations des régimes de production des savoirs en génétique végétale », dans C. Bonneuil, G. Denis, J.-L. Mayaud (dir.), Sciences, chercheurs et agriculture..., ibid., p. 113-135.
28. R. Schirmer, « le regard des géographes... », art. cité, p. 355.
29. Gilles Massardier, « les savants les plus "demandé s". Expertise, compétences et multipositionnalité. le cas des géographes dans la politique d'aménagement du territoire », Politix, 36, 1996, p. 176-177.
30. Franck Aggeri, Armand Hatchuel, « Ordres socio-économiques et polarisation de la recherche dans l'agriculture: pour une critique des rapports science/société », Sociologie du travail, 45, 2003, p. 113-133, dont p. 116.
31. Marie-France Garcia-Parpet, « la construction intellectuelle des marchés agricoles: la Société française des économistes ruraux et la revue Économie rurale», dans Céline Bessière et al. (dir.), Les mondes ruraux à l'épreuve des sciences sociales, Paris, Jouve, 2007, p. 421-437.
32. Arnauld Chandivert, « les sciences sociales et l'encadrement de la "renaissance rurale" », dans C. Bessière et al. (dir.), Les mondes ruraux..., ibid., p. 442-455. Dans l'ensemble, « les politiques publiques ne renforcent que les circuits marchands les plus conformes aux modèles acceptés par le monde savant»
33. (M.-F. Garcia-Parpet, « Représentations savantes... », art. cité, p. 70).
34. La notion d'« échelle » rend compte de cette fluidité, par opposition à celle de « niveau » qui tend à imposer une représentation figée des modalités d'action - l'idée implicite étant que chacun s'oriente vers l'une ou l'autre en fonction de la « structure des opportunités » qui se présente à lui (Andy Smith, Jacques de Maillard, Olivier Costa, Vin et politique. Bordeaux, la France, la mondialisation, Paris, Presses de Sciences Po, 2007;
35. voir aussi la lecture critique qu'en propose dans cette revue Stéphane Boisseaux, « au cceur des activités économiques, révéler le politique », Revue française de science politique, 59(6), décembre 2009, p. 1263-1268).
36. Olivier Jacquet, Gilles Laferté, « le contrôle républicain du marché: vignerons et négociants sous la Troisième République», Annales HSS, 5, 2006, p. 1147-1148.
37. Gilles Laferté, « la production d'identités territoriales à usage commercial dans l'entre-deux-guerres en Bourgogne », Cahiers d'économie et de sociologie rurales, 62, 2002, p. 66-95, dont p. 75.
38. Gilles Laferté, « L'homme politique, l'industriel et les universitaires. Alliance à la croisée du régionalisme dans l'entre-deux-guerres », Politix, 67, 2004, p. 45-69, dont p. 55.
39. G. Laferté, « L'homme politique... », ibid., p. 63-65.
40. Du même auteur, voir La Bourgogne et ses vins: image d'origine contrôlée, Paris, Belin, 2006, p. 118-122.
41. Olivier Jacquet, « de la Bourgogne à l'international: construction et promotion des normes d'appellation d'origine ou l'influence des syndicats professionnels locaux », Anthropology of Food, 3, décembre 2004, revue électronique disponible à l'adresse suivante: , consulté le 12 juillet 2010.
42. J. de Maillard, « la Commission... », art. cité, p. 80-83.
43. rd General Assembly of OIV, Paris, 2005.
44. Un prolongement est apporté en 2000 par un document intitulé « Australian Wine Marketing Agenda 2000-2010 »: l'objectif fixé est d'accroître les exportations dans la gamme des vins vendus plus de 10 dollars australiens la bouteille. en 2007, le document « Directions to 2025 » retient une logique de « benchmarking » pour mettre en exergue les « bonnes pratiques » des meilleurs exportateurs dans chaque gamme de vins.
45. Éric Giraud-Héraud, Yves Surry, « les réponses de la recherche aux nouveaux enjeux de l'économie vitivinicole », Cahiers d'économie et sociologie rurales, 60-61, 2001, p. 5-23.
46. L'équation est formulée de la façon suivante: qualité du vin (déterminant le «juste prix ») = 12.145 + 0.00117 × précipitations hivernales (en mm) + 0, 034111 × températures moyennes durant la période de croissance de la vigne - 0, 0386 × précipitations durant les vendanges (en mm) («Wine Equation Bends Some Noses Out of Joint », New York Times, 4 mars 1990).
47. Un relais australien est apporté par le Center for International Economics Studies de l'Université d'Adelaïde. Kym Anderson-par ailleurs vice-président de l'AAWE-dirige dans cet établissement un programme de recherche intitulé Wine Economics. des études sur l'évolution des marchés internationaux sont publiées et largement diffusées (Wine Policy Briefs, Wine Discussion Papers). les chercheurs du centre développent par ailleurs un modèle économétrique baptisé World Multisectoral Wine Model (WMWM) qui vise à « anticiper les évolutions de la globalisation » dans la filière vitivinicole.
48. Franck Cochoy, Sophie Dubuisson-Quellier, « les professionnels du marché. Vers une sociologie du travail marchand », Sociologie du travail, 42(3), 2000, p. 359-368, dont p. 362.
49. Les États-Unis ont réussi à obtenir qu'un principe d'alternance soit instauré, un président du « Nouveau Monde » succédant toujours à un Européen (la durée d'un mandat est fixée à 3 ans). en 2000, la délé gation française œuvre à l'élection de l'argentin Felix Roberto Aguinagua. L'Allemand Reiner Wittkowski prend sa succession en 2003.
50. La lettre diplomatique, 58, 2002.
51. Après deux ans d'exercice, Peter Hayes déclare encore: « L'OIV travaille pour mondialiser et simplifier les pratiques de la viticulture mondiale et, personnellement, je crois que les pays du Nouveau Monde sont mieux préparés pour pouvoir atteindre ces objectifs » (Diaro del vino, 23 juin 2008). le 3 juillet 2009, Yves Bénard prend sa succession. Si le nouveau président de l'OIV est de nationalité française, son profil même est révélateur: il ne s'agit pas d'un juriste, mais d'un agronome spécialisé dans les pratiques œnologiques, qui a consacré une grande partie de sa carrière au marketing des vins de Champagne.
52. Étant admis qu'une « discipline est définie non seulement par des propriétés intrinsèques mais par des propriétés qu'elle doit à sa position dans l'espace (hiérarchisé) des disciplines », le processus que nous caractérisons peut être analysé comme une « lutte pour faire reconnaître une manière de connaître » (Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité, Paris, Raisons d'agir, 2001, respectivement p. 123 et p. 131).
53. Decanter, 6 juillet 2006. la langue de publication est notamment un critère de distinction: les chercheurs étrangers spécialistes de la vigne et du vin se sont longtemps efforcés de publier des articles en français, cosignés autant que possible avec des collègues français; le processus de légitimation est aujourd'hui inversé.
54. Les curriculum vitae des ingénieurs agronomes spé cialisés en techniques de vinification montrent que les stages et séjours d'études à Stellenbosch font partie du cursus ordinaire ().
55. Les chambres de commerce et d'industrie de Reims et de Dijon aident les représentants des entreprises vitivinicoles locales à se rendre au salon.
56. La société Vivelys a pour but de mettre en rapport les entreprises vitivinicoles qui formulent des demandes spécifiques et les laboratoires d'agronomie capables d'y répondre; elle affiche un slogan explicite: « le bon vin est un vin qui se vend ». L'orientation vers des recherches internationalement consacrées peut être amplifiée par des effets de structuration internes. la direction de l'INRA l'encourage dans la mesure où elle y voit le moyen de compenser un déclin de « la reconnaissance inconditionnelle que lui accordait le milieu agricole » (Pierre Bourdieu, Les usages sociaux de la science: pour une sociologie clinique du champ scientifique, Paris, INRA, 1997, p. 46).
57. Quelques arguments peuvent prévenir les procès en extraversion. la « flash pasteurisation » est présenté e par ses concepteurs comme une alternative aux produits chimiques communément utilisés dans le « Nouveau Monde ».
58. « Remise du Laurier 2007 Ingénieur », document INRA, 25 septembre 2007. en juin 2009, à l'occasion du salon Vinexpo de Bordeaux, l'entreprise Domaines d'Auriol lance un vin à 9° baptisé So'Light. le prospectus indique que le produit répond à la demande d'une « nouvelle génération de consommateurs ». Un conditionnement en bouteilles de 25 cl est choisi pour permettre un rangement dans les rayons de plats allégés. des canettes sont également proposées pour la « consommation nomade ». Un partenariat est recherché avec des clubs de fitness.
59. « de la vigne au vin: biotechnologies, innovations et diversifications. Quelles perspectives en 2007? », document de travail INRA, 12 février 2007. la lutte pour imposer une discipline passe par « la codification des contenus d'enseignement »: « le savoir enseigné devient un indice de l'institution et de la reconnaissance sociale de la discipline » (Dominique Vinck, Sciences et société. Sociologie du travail scientifique, Paris, Armand Colin, 2007, p. 77). Le développement des recherches en biochimie est conforté par la mise en place de formations spécialisées. Composante de l'Université de Bourgogne, l'Institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV) propose par exemple un master « Procédés fermentaires appliqués à l'agroalimentaire » (M2). les grandes entreprises vitivinicoles offrent de plus en plus de débouchés aux diplômés issus de ces filières. Elles ont recours à des « laboratoires conseil » pour améliorer leurs techniques de vinification. Nombre d'entre elles vont jusqu'à créer leur propre unité d'analyse et à salarier des œnologues formés à la biochimie. L'internationalisation du cursus est alors un atout; elle démoné tise le savoir-faire du maître de chai, transmis « sur le tas » et lié à une exploitation
60. (Marie-France Garcia-Parpet, Le marché de l'excellence. les grands crus à l'épreuve de la mondialisation, Paris, Seuil, 2009, p. 149-150).
61. .
62. Voir par exemple: Victor Ginsburgh, Olivier Gergaud, « Endowments, Production Technologies and the Quality of Wines. Does Terroir Matter? », The Economic Journal, 118, 2008, p. 142-157.
63. .
64. Hervé Hannin (professeur à SupAgro) surenchérit: en France, « les analystes de la filière vin se connaissent tous. Ce n'est pas difficile tellement nous sommes peu nombreux ! Est-ce normal pour une filière qui pèse des milliards d'euros dans la balance commerciale? Nous sommes suréquipés en institutions et sous-équipés en analystes » (Vitinet, 2 mars 2006).
65. La structuration des recherches sur le marketing du vin a pour corolaire un rapide développement de formations spécialisées. Bordeaux École de Management propose depuis la rentrée 2008 un master en « Management des vins et spiritueux ». la plaquette de présentation met en avant l'internationalisation du cursus, conçue comme une réponse à la « mondialisation des stratégies commerciales ». D'autres établissements s'engagent sur la même voie: le groupe INSEEC délivre un master en « Wine Marketing & Management »; l'ESA d'Angers intègre à sa maquette un Master « International Vintage »; le groupe ESC Dijon met en place un master « Commerce international des vins et spiritueux ». Plus emblématique encore, le « Diplôme international de l'OIV en management du secteur de la vigne et du vin » (International OIV MSc in wine management) est délivré au terme d'un enseignement découpé en 27 modules, étalé sur 16 mois et réparti entre plusieurs « pôles organisateurs » en Europe (parmi lesquels SupAgro Montpellier).
66. Les disciplines qui ont perdu leur position centrale deviennent perméables au discours qui a permis l'ascension de leurs rivales. en 2004, le Congrès de l'Association of American Geographers se tient à Philadelphie. Un panel sur le vin y est organisé. les participants décident de donner un prolongement à leurs échanges en fondant le Wine Specialty Group. Ils commencent à publier une Newsletter. le premier numéro fait état d'un débat sur l'opportunité de recourir encore à la notion de « terroir ». Certains préconisent de l'abandonner en arguant du fait que « les techniques de vinification modernes rendent les facteurs environnementaux moins importants ». D'autres rétorquent que le climat auquel le cépage est soumis introduit toujours des variations significatives (Wine Specialty Group's Newsletter, 1(1), 2004). En se concentrant sur l'effet des variables climatiques, les chercheurs abandonnent tout questionnement sur l'adaptation de l'homme à son milieu; ils s'éloignent de la lecture « vidalienne » et s'alignent sur les formulations des économètres. On notera du reste qu'aucun géographe français ne participe aux activités du Wine Specialty Group.
67. La capacité de la Commission à utiliser les arguments scientifiques pour « mettre en valeur ses propres centres d'intérêt » marque un contraste avec l'incapacité d'autres organisations, telles l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), à produire un « discours de coordination » efficace (cf. Ève Fouilleux, « A propos de crises mondiales... Quel rôle de la FAO dans les débats internationaux sur les politiques agricoles et alimentaires? », Revue française de science politique, 59(4), août 2009, p. 757-782, dont respectivement p. 762 et p. 779).
68. Patrick Hassenteufel, Bruno Palier, « le social sans frontières? Vers une analyse transnationaliste de la protection sociale », Lien social et politiques, 45, 2001, p. 13-27.
69. Ève Fouilleux, Réformer la Politique agricole commune. Idées, intérêts, institutions et action publique dans l'Union européenne, Paris, L'Harmattan, 2002.
70. Un troisième atelier est organisé sous le titre « Comment parvenir à une politique européenne durable en matière vitivinicole? la contribution des vignobles européens aujourd'hui et à l'avenir».
71. La nouvelle alliance peut à son tour trouver des ramifications locales. le conseil régional du Languedoc-Roussillon commence notamment à encourager le développement des savoirs sur la vigne et le vin. Il finance un Programme de recherche pour et sur le développement régional (PSDR) qui doit indiquer les moyens d'« adapter l'offre à l'évolution des modes de consommation des jeunes générations » (Développement régional, Agriculture et IAA en Languedoc-Roussillon, document de travail no1, INRA, 2006). en 2006, la Région crée par ailleurs la « marque ombrelle» Sud de France pour permettre aux producteurs locaux de s'aligner sur les méthodes de commercialisation développées dans le « Nouveau Monde »; des « festivals Sud de France » sont organisés à Londres, Rio, Milan, Shanghai, Mexico et New York. en novembre 2009, la Direction régionale de l'agriculture et de la forêt confie enfin à des chercheurs de SupAgro Montpellier la mission d'élaborer un « scénario de dé veloppement» de la filière vitivinicole pour les deux prochaines décennies - en imitation de la démarche prospective et stratégique retenue en Australie et en Afrique du Sud dans les années 1990.
72. Communiqué du conseil des ministres du 29 mai 2008 sur « leplan de modernisation delaviticulture française ».
73. Jennifer Platt, « Evidence and Proof in Documentary Research. Some Specific Problems of Documentary Research », dans John Scott (ed.), Documentary Research. Vol. 1: Theory and Methods, Londres, Sage, 2006, p. 83-103.