Violences illégitimes et publicité de l'action policière

Politix

Volumn 87, Issue 3, 2009, Pages 119-141

  De Bellaing, Cédric Moreau ^a  

^a SCIENCES PO   (France)

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EID: 76449114347     PISSN: 02952319     EISSN: None     Source Type: Journal    
DOI: 10.3917/pox.087.0119     Document Type: Article

References (57)

1. Cet article doit beaucoup aux relectures de Sophie Maurer. Elle en est ici chaleureusement remerciée, mais ne saurait évidemment être tenue pour responsable de son contenu, ni de ses dimensions controversables.
2. Westley (W.), Violence and the Police. A Sociological Study of Law, Custom and Morality, Cambridge (Mass.), MIT University Press, 1970. Si la publication date de 1970, la thèse a été soutenue vingt ans auparavant.
3. L'artisan principal de la controverse est un ethnométhodologue étasunien, dont les recherches sur le travail policier dans les quartiers défavorisés lui ont permis de proposer une définition de la police en regard de son utilisation autorisée de la force. Voir Bittner (B.), «De la faculté d'user de la force comme fondement du rôle de la police», Les Cahiers de la sécurité intérieure, 3, 1990.
4. On peut aussi se reporter au débat orchestré à ce sujet par la revue Déviance et société, 25(3), 2001.
5. Moreau de Bellaing (C.), La police dans l'État de droit. Les dispositifs de formation initiale et de contrôle interne de la police nationale dans la France contemporaine, thèse de science politique, IEP de Paris, 2006.
6. Sur les logiques médiatiques et juridiques qui entourent le traitement des violences illégitimes policières, cf. Jobard (F.), Bavures policières? La force publique et ses usages, Paris, La Découverte, 2002.
7. Chateauraynaud (F.), La faute professionnelle. Une sociologie des conflits de responsabilité, Paris, Métailié, 1991.
8. Ogien (A.), Sociologie de la déviance, Paris, Armand Colin, 1999 [1995], p. 6.
9. Nous nous abstiendrons donc d'en donner une définition a priori afin d'observer comment se déploient les versions contradictoires de ce qu'est une «violence légitime» dans le cadre du matériau empirique collecté à l'IGS.
10. Cf. Renaudin (F.), L'inspection générale de la Police nationale IGPN/IGS, Paris, Paris II Panthéon-Assas, 1999, p. 25-26.
11. Les missions d'audit sont encore largement embryonnaires en regard des activités disciplinaires. Labrousse (F.), «L'Inspection générale des services: la légitimité d'un service de contrôle interne et judiciaire», Les Cahiers de la sécurité intérieure, 44, 2001.
12. Les week-ends et les jours fériés, les fonctionnaires de l'IGS sont d'astreinte à tour de rôle, mais restent à leur domicile et y sont prévenus le cas échéant.
13. Les enquêteurs de l'IGS sont tous des agents de la force publique passés auparavant par d'autres services actifs. La diversité des expériences est appréciée car elle permet aux enquêteurs de maîtriser une vaste palette des logiques situationnelles présidant aux interventions policières.
14. À ce propos, cf. Ancian (J.-M.), La Police des polices, Paris, Balland, 1988;
15. et Renaudin (F.), L'Inspection générale de la Police nationale, op. cit., p. 42-45.
16. Rapport d'activité IGS pour l'année 1988, non publié.
17. Les services policiers départementaux ont mis un temps conséquent à intégrer les nouvelles missions prioritaires de l'IGS.
18. Ce sont les réintégrations, les dénonciations calomnieuses ou les fraudes aux examens.
19. Cette rubrique regroupe les infractions à la RATP et à la SNCF, les infractions à la législation sur les armes, les problèmes liés aux notifications des pièces de justice ou à des auditions de partie civile et d'autres réglementations précises.
20. Si les rapports annuels auxquels nous avons eu accès contenaient parfois des éléments sur la décennie précé dente (notamment en ce qui concerne le nombre de dossiers ou de mains courantes), le détail des dossiers (nature des saisines, motifs, sanctions, etc.) concerne l'année en cours.
21. Il faut souligner le fait que les fautes d'ordre privé et les cas divers sont très souvent le fruit des saisines administratives, alors que les deux catégories qui se détachent ici sont majoritairement issues des saisines par le juge ou des plaintes déposées par des particuliers.
22. Bittner (E.), «Florence Nightingale à la poursuite de Willie Sutton. Regard théorique sur la police», Déviance et société, 25(3), 2001.
23. Les sanctions statutaires recouvrent les punitions suivantes: avertissement, blâme, exclusion temporaire de fonctions, rétrogradation, abaissement d'échelon, déplacement d'office, mise à la retraite d'office, radiation des cadres, exclusion définitive du service et révocation. Les autres sanctions sont de trois ordres: mise à la retraite par voie de réforme, mutation dans l'intérêt du service et, très majoritairement, une simple observation. Les sanctions non statutaires sont très peu nombreuses, hormis les observations, dont l'absence quasi complète de conséquence sur le déroulement de la carrière du policier justifie qu'elles ne soient pas ici prises en considération comme un baromètre intéressant de la lutte contre les déviances policières.
24. Le grand nombre de sanctions prises pour des fautes d'ordre privé (7, 3 % des dossiers ouverts, 13 % des affaires sanctionnées) s'explique par le fait que les déviances que recouvre cette catégorie sont majoritairement portées à la connaissance de l'IGS par l'intermédiaire des services administratifs et posent moins de problèmes à l'élucidation par l'enquête, dans la mesure où les faits reprochés sont souvent étayés par un constat de fait, un flagrant délit ou une enquête interne.
25. Le détail des rapports annuels ne permet pas de répartir toutes les sanctions en fonction des motifs allégués. Les chiffres ne sont disponibles que concernant les faits les plus lourdement sanctionnés.
26. Les données empiriques ne permettent pas de mesurer cette part sur l'ensemble des sanctions, quelle que soit leur intensité. Mais l'argument ici défendu ne réclame pas nécessairement un tel degré de raffinement: il suffit de savoir que les cas de violences sont sous-représentés dans les affaires frappées par une lourde sanction pour pouvoir affirmer qu'ils sont moindrement punis.
27. Le suivi de la circulation de dossiers comme méthode sociologique a récemment été employé par plusieurs auteurs qui justifient ce choix par une attention spécifique à la matérialité des objets investigués.
28. Weller (J.-M.), L'État au guichet. Sociologie cognitive du travail et modernisation administrative des services publics, Paris, Desclée de Brouwer, 1999;
29. Latour (B.), La fabrique du droit. Une ethnographie du Conseil d'État, Paris, La Découverte, 2002.
30. Dewey (J.), Logique. La théorie de l'enquête, Paris, PUF, 1993 [1967], p. 169.
31. «Les propriétés pertinentes des êtres, des dispositifs ou des événements se révèlent graduellement en résistant aux mises en variation produites par les protagonistes.» (Chateauraynaud (F.), «L'épreuve du tangible. Expériences de l'enquête et surgissements de la preuve», in Karsenti (B.), Quéré (L.), dir., Raisons Pratiques 15. La Croyance et l'enquête. Aux sources du pragmatisme, Paris, Éditions de l'EHESS, 2005, p. 169).
32. Pollner (M.), «Que s'est-il réellement passé ?», in Petit (J.-L.), dir., Raisons pratiques 2. L'événement en perspective, Paris, Éditions de l'EHESS, 1991, p. 75-96.
33. L'entrave par menottes ne peut pas intervenir, si la vérification d'identité se déroule dans les règles et si aucun indice ne vient en justifier la nécessité.
34. Sur les conditions d'établissement des attestations UMJ, cf. Chariot (P.), En garde à vue. Médecin dans les locaux de police, Paris, La Fabrique, 2005.
35. Sur l'apprentissage policier de l'usage de la violence légitime, cf. Moreau de Bellaing (C.), «Comment la violence vient aux policiers. École de police et enseignement de la violence légitime», Genèses, 75, 2009.
36. Sur la nécessité de matérialisation de la disproportion de l'atteinte, cf. Jobard (F.), Bavures policières ?..., op. cit., p. 155 et s.
37. Dulong (R.), Le témoin oculaire. Les conditions sociales de l'attestation personnelle, Paris, Éditions de EHESS, 1998, p. 41-69, et p. 185 et s.
38. Dulong (R.), Le témoin oculaire. Les conditions sociales de l'attestation personnelle, Paris, Éditions de EHESS, 1998, p. 115 et suiv.
39. Pollner (M.), Que s'est-il réellement passé ?, art. cit.
40. Cette profonde hostilité, souvent décrite par les policiers comme étant une simple réaction à la té nacité et à l'opiniâtreté des enquêteurs de l'IGS, tient pour une large part à l'échange soudain de positions que provoque le fait d'être au cœur d'une enquête de l'IGS. Le policier se trouve alors doublement démuni: il ne peut momentanément plus recourir à ses attributs policiers pour maîtriser les cadres de la situation; il voit s'exercer sur lui-même les formes de pouvoir qu'il exerce habituellement.
41. Jobard (F.), Bavures policières ?..., op. cit., p. 154 et s.
42. Les dévoiements de la fonction policière regroupent toutes les fautes policières mettant en jeu le statut policier. On y trouve l'utilisation abusive de la qualité de policier pour l'obtention de facilités, l'emploi de la fonction à des fins d'intimidation, les fausses attestations de confiance, les vols facilités par la fonction, la falsification de documents policiers en vue d'en tirer un béné fice personnel.
43. Cette catégorie inclut toutes les allégations de violences hors atteintes sexuelles et viols.
44. Les fautes en service correspondent logiquement aux comportements personnels des policiers en service qui ne sont pas classables sous d'autres motifs. Les fautes les plus récurrentes de cette classe sont les heurts avec la hiérarchie, les absences irrégulières, les comportements indisciplinés, les fautes professionnelles au cours d'une enquête, les négligences, les mauvais commandements et, enfin, l'envoi de lettres anonymes.
45. Le groupe divers concerne des faits commis hors service fortement singularisés. Le motif le plus courant de cette catégorie est la détention illégale d'armes. Viennent ensuite les insultes et injures (notamment à policiers) de toute nature, y compris racistes et antisémites. Il s'agit aussi de la falsification de documents divers (carte SNCF ou RATP, chèques, documents administratifs afin de pouvoir se remarier, etc.).
46. Les atteintes légères aux mœurs sont aussi comprises ici, ainsi que les mauvaises fréquentations.
47. Les qualifications pénales lourdes comprennent des actes commis par des policiers pour lesquels sont prévues de graves peines: proxénétisme, vol à main armée, meurtre, viol et agression sexuelle.
48. Abaissement d'un échelon, déplacement d'office, rétrogradation.
49. Le reste étant composé de dossiers ouverts pour plusieurs faits, certains ayant été commis en service et d'autres hors service.
50. «Le fonctionnaire de la police nationale est tenu, même lorsqu'il n'est pas en service, d'intervenir de sa propre initiative pour porter assistance à toute personne en danger, pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler l'ordre public et protéger l'individu et la collectivité contre les atteintes aux personnes et aux biens».
51. La seule violence sanctionnée par une mesure de 3e catégorie concerne ainsi un policier ayant tiré avec un fusil automatique sur un groupe de jeunes alors qu'il était au volant.
52. Le pourcentage restant correspond tout simplement aux relaxes.
53. «La garantie des Droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique, cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée».
54. Nous tenons ici à remercier Danny Trom pour ses suggestions éclairantes à propos de la privatisation de l'action policière.
55. Dewey (J.), œuvres philosophiques II Le public et ses problèmes, Pau, Publications de l'université de Pau, Farrago/Léo Scheer, 2003 [1927], p. 63.
56. Foucault (M.), Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, coll. «Te l», 1975, p. 249 et s.
57. Ce qui ne signifie pas pour autant que toute violence en situation d'intervention est légitime; simplement, la légitimité de la violence policière est parfaitement inscrite-les ethnomé thodologues diraient embedded-dans la situation. Voir Garfinkel (H.), Studies in Ethnomethodology, Englewood Cliffs, N. J., Prentice Hall, 1967.