La doctrine vattelienne de l'égalité souveraine dans le contexte neuchĝtelois

Journal of the History of International Law

Volumn 11, Issue 1, 2009, Pages 103-124

  Tetsuya, Toyoda ^a  

^a Université Internationale de Akita   (Japan)

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EID: 67650227314     PISSN: 1388199X     EISSN: 15718050     Source Type: Journal    
DOI: 10.1163/157180509X421395     Document Type: Review

References (117)

1. Emer de Vattel, Le Droit des Gens, ou Principes de la Loi Naturelle, appliqués à la Conduite et aux Af aires des Nations et des Souverains, (Londres [en fait Neuchâtel], 1758), photographic reprint, Carnegie Classics of International Law Series, No. 4, (Washington, D.C.: Carnegie Institution, 1916).
2. Cf. Johannes J. Manz, Emer de Vattel, (Zürich: Schulthess Polygraphischer Verlag, 1971), pp. 162-176.
3. Paul Guggenheim, Emer de Vattel et l'étude des relations internationales en Suisse, (Genève: Librairie de l'Université, 1956), p. 23.
4. Emmanuelle Jouannet, Emer de Vattel et l'émergence doctrinale du droit international classique, (Paris: Pedone, 1998), p. 419;
5. J.S. Reeves, "La communauté internationale", Recueil des Cours de l'Académie de Droit International de La Haye, (1924), p. 34.
6. A cet égard, il faut noter que depuis Bodin et Hobbes il était déjà courant de parler de la souveraineté ou de l'indépendance internationale des monarques, mais ce qui est remarquable avec Vattel c'est qu'il a parlé de la souveraineté de la nation (non du monarque), autrement dit: "[t]he important change ..., which Vattel undertook, was to replace the absolute personal sovereign, one of the chief of Hobbes's 'detestable principles,' with the equally absolute but fctitious 'moral' person of the nation-state" (Peter Pavel Remec, The Position of the Individual in International Law according to Grotius and Vattel, (La Haye: Martinus Nijhoff, 1960), p. 163) et ainsi "Vattel souligne surtout le 'caractère représentatif' du souverain, qui en fait d'une certaine manière l'organe de la nation; loin d'être absorbée dans la personne du prince, celle-ci subsiste donc en tant qu'Etat souverain et sujet du droit des gens."
7. (Peter Haggenmacher, "L'État souverain comme sujet du droit international, de Vitoria à Vattel", Droits - Revue française de théorie juridique, vol. 16 (1992), pp. 11-20, à p. 19)
8. Vattel, supra note 1, Préliminaires, § 18, p. 11.
9. Cette image a marqué les esprits par son éloquence dans une langue vulgaire (i.e. en français), même si elle n'est en fait qu'une traduction du latin de Wolf: "Quemadmodum itaque homo procerissimus non magis homo est, quam nanus; ita quoque Gens, quantumvis parva, non minus Gens est, quam Gens maxima." (Christian Wolf, Jus gentium methodo scientifca pertractatum, (Francfort et Leipzig, 1764 [1ère ed. 1749]), photographic reprint, Carnegie Classics of International Law Series, No. 13, (Washington, D.C.: Carnegie Institution, 1934), Prolegomena, §16 nota, p. 6).
10. En plus, Jean-Jacques Burlamaqui, dont Vattel suivait probablement le cours à l'Université de Genève dans les années 1730, avait certes déjà enseigné que "toutes les Nations doivent se regarder comme naturellement égales & indépendantes les unes des autres", comme le montrent ses posthumes Principes du droit politique, (Amsterdam: chez Zacharie Chatelain, 1751), tome 2, 4ème partie, Ch. 1, § 5, p. 3). Mais c'est Vattel qui a présenté, pour la première fois, le concept d'égalité souveraine de manière si frappante.
11. Vattel, supra note 1, Liv. 1, Ch. 1, § 9, p. 20 (italiques de l'auteur).
12. En vertu du traité de combourgeoisie de 1406 avec Berne, trois corps de troupes neuchâtelois ont été expédiés à la bataille de Villmergen dans la guerre du Toggenbourg en 1712 (Conseil d'Etat, Neuchâtel et la Suisse, (Neuchâtel: Chancellerie d'Etat, 1969) pp. 93-98;
13. Charly Guyot, Neuchâtel - histoire d'une cité, (Neuchâtel: La Neuchâteloise, 1946), p. 132).
14. "Les Villes de Suisse, telles que Neufchatel & Bienne, qui jouïssent du Droit de Bannière, ont par-là le droit de traiter avec les Puissances Etrangères, quoique ces Villes soient sous la Domination d'un Prince. Car le Droit de Bannière, ou des Armes, comprend celui d'accorder des sécours de Troupes, pourvû que ce ne soit pas contre le service du Prince. Si ces Villes peuvent accorder des Troupes, elles peuvent écouter la demande que leur en fait une Puissance Etrangère, & traiter des Conditions. Elles peuvent donc encore lui députer quelqu'un dans cette vuë, ou recevoir ses Ministres." (Vattel, supra note 1, Liv. 4, Ch. 5, § 60, p. 295; italiques de l'auteur) En fait l'explication par Vattel n'est pas complète: selon l'article 3 des Articles Généraux de 1707, "s'il y avoit guerre pour raison de quelque autre état, terres ou seigneuries, l'état de Neufchatel ... devra demeurer dans la neutralité a moins que tout le corps helvetique en general n'y prit part et interêt."
15. (Maurice de Tribolet, Les sources du droit du canton de Neuchâtel - Sammlung Schweizerischer Rechtsquellen, XXI. Abteilung, (Neuchâtel: Verlag Sauerländer Aarau, 1982), p. 335).
16. Selon Roulet, "[l]e problème de la succession de 1707 avait révélé à l'Europe l'existence d'une principauté aux dimensions réduites, mais à l'importance stratégique indéniable." (Louis-Edouard Roulet, "Du début du XVIIIe siècle à 1848", R. Scheurer et al. (ed.), Histoire du conseil d'Etat neuchâtelois, (Neuchâtel: Chancellerie d'Etat, 1987), p. 102).
17. Les comtés de Neuchâtel et de Valangin étaient peuplés de 25 à 28 mille habitants au début du 18ème siècle (Rémy Scheurer, "Des origines au début du XVIIIe siècle", Histoire du conseil d'Etat neuchâtelois, supra note 9, p. 54).
18. Louis Thévenaz, Histoire du pays de Neuchâtel, (Neuchâtel, 1948), p. 52.
19. Par exemple, Nussbaum a admis que "[a] vexing problem of method springs from the bearing of political history upon the law of nations" (Arthur Nussbaum, A Concise History of International Law, (rev. ed., New York: The Macmillan Company, 1954), Introduction, p. x).
20. Thévenaz, supra note 11, pp. 31-50;
21. parmi lesquels se trouve, par exemple, Henri II d'Orléans- Longueville, envoyé plénipotentiaire de Louis XIII à la conférence de Münster (Scheurer, supra note 10, p. 16).
22. Moins d'un mois après le décès de Marie, quinze candidats avaient manifesté leur intérêt pour la couronne, mais seuls neuf d'entre eux se sont rendus ou ont envoyé des représentants à Neuchâtel dans le délai prescrit (Jelmini, infra note 17, p. 61).
23. Alors que la prétention du prince de Conti, cousin de Marie de Nemours, était bien compréhensible, celle du roi de Prusse était fondée sur le droit d'hommage que Jean de Fribourg (†1457) prêtait à la maison de Châlons, droit passé aux Nassau par le truchement du testament de Philibert de Châlons (†1530), puis à Frédéric Ier par sa mère. Cette théorie suggère implicitement que tous les détenteurs de la Principauté après Jean de Fribourg n'avaient pas la légitimité.
24. Il était appelé ainsi en raison de sa composition: quatre juges représentant la noblesse, quatre les ofciers de juridiction et quatre la bourgeoisie (Ulysse Guinand, Histoire du gouvernement de Neuchâtel sous la domination prussienne, (Lausanne: chez Marc Ducloux, 1833), p. 6, note 1).
25. Sur le déroulement de la procédure chez les Trois-Etats, voir Jean-Pierre Jelmini, "Le procès de 1707", La Société d'histoire et d'archéologie du canton de Neuchâtel, Histoire du Pays de Neuchâtel, tome 2, (Hauterive: Edition Gilles Attinger, 1991), pp. 58-66.
26. Thévenaz, supra note 11, p. 52.
27. Selon la chronique de l'époque: "Metternich avait envoyé deux oies à l'un de nos petits seigneurs. Voulant tirer parti de ce présent, il en ft vendre une par sa servante. Celle qu'il avait réservée pour lui se trouva farcie d'un rouleau de 100 louis en or. Il renvoya aussitôt racheter celle qu'il avait vendue. Il était trop tard; elle avait passé en d'autres mains." (Guinand, supra note 16, p. 3, note 1)
28. Louis-Edouard Roulet, "Friedrich der Große und Neuenburg", O. Hauser (éd.), Friedrich der Große in seiner Zeit, (Köln und Wien: Böhlau, 1987), p. 181;
29. Guinand, supra note 16, pp. 3-4.
30. Emer de Montmollin (1644-1714) était fils de Georges de Montmollin, ancien chancelier qui, avec son frère Jean, était disgrâcié par Marie de Nemours (alors curatrice du souverain nominal, Louis Charles d'Orléans) en 1679 (réhabilitation en 1682) et par le prince de Condé en 1692. Il est bien possible que cette double disgrâce a incité les Montmollin à faire valoir les droits du roi de Prusse (Scheurer, supra note 11, pp. 42-43).
31. Wolfgang Stribrny, Die Könige von Preußen als Fürsten von Neuenburg-Neuchâtel (1707-1848), (Berlin: Duncker & Humblot, 1998), p. 21.
32. Pour l'origine et la paternité des Articles Généraux de 1707, voir Adrian Bachmann, "Les contrats de pouvoir de 1707", Musée neuchâtelois, 5ème sér., 6ème année (2002), pp. 125-141, notamment pp. 125-128.
33. Pour le texte des Articles généraux, ainsi que ceux des Articles particuliers conclus avec la bourgeoisie de Neuchâtel et avec la bourgeoisie de Valangin, voir Tribolet, supra note 8, pp. 333-345.
34. Stribrny, supra note 21, p. 23.
35. Stribrny, supra note 21, pp. 25-26;
36. Thévenaz, supra note 11, p. 53.
37. Stribrny, supra note 21, p. 29.
38. Stribrny, supra note 21, pp. 73-80.
39. Son introduction fut suspendue momentanément en 1725 mais réitérée en 1748, pour stabiliser le revenu du roi au détriment de ses sujets, contre laquelle d'abord en 1752 cinq communautés du Val-de-Travers envoyèrent un député à Berlin pour se plaindre des vexations de leur fermier et réclamèrent le retour à l'ancien système (Guinand, supra note 16, pp. 35-37).
40. Thévenaz, supra note 11, pp. 57-60;
41. Guinand, supra note 16, pp. 34-73.
42. C'est seulement à la déclaration de neutralité du Corps helvétique de 1792 après la Révolution française qu'on réussit à inclure à nouveau la mention de Neuchâtel; d'ailleurs, la combourgeoisie avec Soleure ne fut renouvelée qu'en 1756 et celles avec Fribourg et Lucerne ne le furent jamais (Guyot, supra note 7, pp. 131-132).
43. La ville catholique du Landeron refusant de reconnaître le roi de Prusse pour son souverain, fut soumise à l'occupation militaire par le gouvernement (Guinand, supra note 16, p. 7).
44. En 1715 la France propageait des rumeurs de la vente de la Principauté par le roi de Prusse pour gêner les représentants prussiens. Il y avait des intrigues de la part du duc de Bourbon (beau-frère du prince de Conti) en 1724, soutenues par quelques Neuchâtelois. En 1733 le roi de Prusse dut donner l'ordre au Conseil de Neuchâtel de désavouer les rumeurs de la vente de la Principauté au duc de Bourbon (Neuchâtel et la Suisse, supra note 7, p. 108).
45. Pour les nombreux projets de cession de la Principauté aux puissances étrangères, notamment le roi de France, voir Jean Courvoisier, "Essai sur les projets de cession de Neuchâtel à la France entre 1707 et 1789", Revue suisse d'histoire, tome 1959(2), pp. 145-167.
46. Concernant l'intrigue du Marquis de Mailly et de Nesle, descendant de Marie des Baux (princesse d'Orange, morte en 1417), appuyée par deux Neuchâtelois, voir Armand Du Pasquier, "Les prétentions de la maison de Mailly-Nesle sur Neuchâtel au XVIIIme siècle", Musée neuchâtelois, n. sér., 8ème année (1921), pp. 10-20, 62-70, 89-99, 124-136 et 190-206, à p. 11.
47. Même si la famille de Vattel, à peine annoblie en 1727 (cf. la lettre de David du 8 mars 1713 à son beau-frère, Emer de Montmollin, alors en mission à Berlin sollicitant son intervention pour l'annoblissement de la famille citée par M. Boy de la Tour, "Deux lettres de David Vattel", Musée neuchâtelois, n. sér., 7ème année (1920), pp. 113-118, à 116-117), n'avait pas une gloire comparable à celle de la famille de Montmollin, on pourrait considérer que David lui-même était un personnage d'une certaine importance dans la Principauté, car on sait que le comte de Metternich, le représentant du roi à Neuchâtel, avait jugé utile de lui faire quelques promesses alléchantes pour gagner son soutien (qui n'étaient d'ailleurs tenues que partiellement).
48. Emer de Montmollin, alors conseiller privé du roi, mourut quelques semaines avant la naissance de son neveu. Après lui, son frère Jonas occupa le poste de chancelier jusqu'à sa mort en 1741, après quoi son fils Jean-Henry l'occupait jusqu'à sa mort en 1750 (Edouard Béguelin, "En souvenir de Vattel", Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel, Recueil de travaux ofert à la Société suisse des juristes à l'occasion de sa reunion à Neuchâtel 15-17 septembre 1929 (Neuchâtel, 1929), pp. 35-176, à p. 73, note 19)
49. Il a été immatriculé le 1 juin 1728, à l'âge de 14 ans (Béguelin, supra note 33, p. 78, note 37).
50. Béguelin, supra note 33, pp. 39-40.
51. Nous ne savons pas exactement quand il est rentré à Neuchâtel, mais il est bien établi qu'il y était déjà en 1737 (Béguelin, supra note 33, p. 41).
52. Béguelin, supra note 33, pp. 44-45;
53. Thévenaz, supra note 11, pp. 51-52;
54. Guyot, supra note 7, p. 132.
55. Béguelin, supra note 33, p. 45;
56. pour les mémoires présentés par Vattel sur la fondation d'une université, voir ibid. pp. 149-164.
57. Dans son manifeste avant le jugement des Trois Etats, Frédéric Ier déclara "s'il y a d'autres choses [que les libertés religieues], que les Peuples de l'Etat de Neufchâtel souhaitent encore, concernant le Spirituel, comme d'augmenter le nombre des Eglises ...; de pourvoir à la subsistance des Pauvres ... ; d'établir une Académie dans la Ville capitale & de nouvelles Ecoles dans les autres lieux du Pays, où il sera nécessaire; en un mot, si l'on desire que les revenus, qui étoient autrefois à l'Eglise soient employés en des œuvres pies, y a-t'il personne entre tous les Prétendans, qui soit en état & en pouvoir, comme l'est S. M. P. de sacrifer autant qu'il le faudra de ces revenus à toute sorte d'usages pieux?" ("Manifeste de sa Majesté le Roye de Prusse", Recueil de diverses pièces concernant les franchises et libertés des peuples de la principauté de Neuchâtel et Valangin, (Neuchâtel: Edit. du Journ. Helvetique, 1762), pp. 63-92, à p. 76)
58. André Bandelier, "De Berlin à Neuchâtel: la genèse du Droit des gens d'Emer de Vattel", M. Fontius und H. Holzhey (éd.), Schweizer im Berlin des 18. Jahrhunderts, (Berlin: Akademie Verlag, 1996), p. 45-56.
59. Wolf, supra note 5.
60. Dans une lettre du 23 novembre 1750 à Formey, Vattel écrit: "M. le Marquis de Paulmy me conseille fort de joindre des exemples aux préceptes; j'aurois besoin de secours pour cela, et je prie tous mes amis de faire note de ceux dont ils se souviendront ou qu'ils rencontreront dans leurs lectures; comme je me fatte que vous êtes du nombre de mes meilleurs amis, je compte beaucoup sur vous pour ce secours." (Béguelin, supra note 33, p. 124)
61. Cité par Béguelin, supra note 33, p. 124.
62. Cité par Béguelin, supra note 33, p. 57.
63. Vattel souligne que l'injustice de l'invasion prussienne disant que "c'est un principe reconnu de toute la Terre et sur lequel repose la sûreté et la tranquillité des Nations, que quand un Souverain croit avoir quelque sujet de plainte contre un autre, il doit proposer ses griefs, faire ses demandes, avant que de courrir aux armes, et c'est seulement après qu'on lui a refusé une juste satisfaction, ou lorsqu'il ne peut raisonnablement l'espérer, que naît pour lui le droit de faire la guerre: Ou si le cas pressant l'oblige de pourvoir sans délai à sa sûreté, au moins doit'il être toujours prêt à accepter les conditions équitables qui lui seront ofertes. La Saxe avoit désarmé, bien loin de faire des préparatifs menaçans. Le Roi de Prusse ne se plaignait de rien; il faisoit des protestations d'amitié et de bon voisinage au moment qui a précédé son invasion dans ce païs. Il a requis même le passage." ("Lettres de Vattel à l'Avoyer et Conseil de Berne (Protestation contre l'invasion de la Saxe) Neuchâtel, 28 février 1757", cité en annexe par Béguelin, supra note 33, p. 172.)
64. Selon Mallarmé, "Auguste III, engagé dans une alliance avec Marie-Thérèse contre Frédéric II, sentit le besoin de s'entourer de diplomates avisés et rappela Vattel de Berne pour le nommer conseiller privé du cabinet." (A. Mallarmé, "Emer de Vattel", A. Pillet (ed.), Les fondateurs du droit international, (Paris: V. Giard & E. Brière, 1904), p. 483)
65. Béguelin, supra note 33, p. 164 (l'emploi inconstant des accents de l'auteur);
66. cf. André Bandelier, supra note 39, p. 47.
67. Béguelin, supra note 33, pp. 164-165.
68. Béguelin, supra note 33, p. 166
69. Par exemple, parmi 96 conseillers d'Etat au cours du 18ème siècle, il y avait douze Montmollin, les plus nombreux, suivis par onze Chambrier et six Pury. Les conseillers d'autres familles ne dépassent jamais quatre par famille (Roulet, supra note 19, p. 115).
70. Alors que Dresde n'a pas adopté l'initiative, les Neuchâtelois auraient pu interpréter la nomination de Vattel à Berne comme une expression de velléités saxonnes. Vattel écrit au chancelier de Brühl, le 9 juin 1747, qu'il a été "fort surpris, en arrivant à Neufchâtel, d'un bruit qui s'y est répandu; comme on sait que M. le Maréchal de Saxe [i.e., un des fils bâtards d'Auguste II et donc un des frères consanguins d'Auguste III] a pensé autrefois à l'aquisition de Neufchâtel et qu'on est persuadé que le marché fut presque conclu, entre les deux Rois, au camp de Mülberg, quelque spéculatif, combinant cette idée avec l'article du Traité de Dresde qui regarde l'échange de Schidlo et Furstemberg contre un équivalent, répandit que sa Majesté aloit céder ce païs-là au Roi de Prusse, en échange de la Principauté de Neufchâtel à M. le Márechal de Saxe; lorsqu'on me vit arriver ici, l'on ne manqua pas de dire, que je venois pour mettre les mains à cette afaire. Je répondis froidement à ceux qui m'en parlèrent, qu'il n'étoit guère naturel de penser que le Roi, mon Maître, voulût démembrer ses Etats en faveur d'un frère naturel, quelque cher qu'il lui fût, et le bruit est tombé; on se prêteroit volontiers ici à un changement de cette nature, pourvû qu'il se fît de manière à mettre à couvert les Droits et les Libertés du païs" (Béguelin, supra note 33, p. 102). Il nous semble pourtant qu'il s'agit de la pratique courante des diplomates de faire dire, dans leurs rapports à l'administration centrale, à leurs interlocuteurs ce qu'ils veulent dire eux-mêmes. Peut-être Vattel s'intéressait-il plus à la question que ses concitoyens. Il nous semble du moins que les "bruits" à Neuchâtel étaient exagéré s, afn de sonder l'intérêt de la Cour de Saxe à la Principauté et, en efet, Vattel a souligné la volonté neuchâteloise pour le changement dynastique. Cependant, la lettre d'instruction qu'il reçoit ensuite ne contient pas un mot sur la question.
71. Par exemple, la question du catholicisme de l'électeur-roi Auguste III était une question délicate, car en 1697 son père s'était converti pour obtenir le trône polonais, tout comme lui-même en 1710, alors que la majorité de la noblesse saxonne restait protestante; après s'être montré critique envers le Pape, Vattel s'inquiète dans sa lettre à son ami berlinois que: "[j]e ne sçai encore si je le dédierai. J'avois pensé d'abord à notre prince Roïal; mais je ne sçai si cela conviendroit; car dans le ch. de la Religion, je ne puis me dispenser de fronder le système de Rome, qui soustroit la Religion à toute autorité civile."(Béguelin, supra note 33, p. 125)
72. Sur l'antipapisme vattelien, voir Alfred Dufour, "Religion, Eglise, Etat dans la pensée d'Emer de Vattel", Musée neuchâtelois, 5ème série, 6ème année (2002), pp. 169-192.
73. "Milites conductitii sunt peregrini, qui sponte sua nomen militiæ dant. Horum itaque obligatio ad ministeria belli ex pacto venit, quo se ad eadem obligant vel in certo bello, vel in certum diem pro præstandis & certa pecunia ab initio data, consequenter cum pacta sint servanda (...), militibus conductitiis servanda sunt, quæ iisdem promissa." (Wolf, supra note 5, Cap. 6, § 765, p. 278)
74. Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 2, § 13, pp. 11-12 (italiques de l'auteur).
75. Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 2, § 13, p. 13.
76. Ibid.
77. Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 2, § 13, pp. 13-14.
78. On dit même que "[u]n point essentiel de notre histoire est la participation des Neuchâtelois, avec les Suisses, aux services militaires étrangers." (Thévenaz, supra note 11, p. 54)
79. Vattel devait être conscient de pareilles critiques, car il avance la théorie selon laquelle "les Suisses ... n'accordent ... ordinairement des Troupes, que pour la simple défensive. Ceux qui servent en France, ont toûjours eu défense de leurs Souverains, de porter les armes contre l'Empire, ou contre les Etats de la Maison d'Autriche en Allemagne." (Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 6, § 98, p. 74) Mais si ce n'est pas contre l'Empire que se battent les mercenaires au service de la France, contre qui se battent-ils?
80. Une des trois critiques vatteliennes adressées à Wolf est sa justification d'armes empoisonnées (Vattel, supra note 1, Préface, pp. xvi-xvii; Liv. 3, Ch. 8, § 156, p. 129;
81. cf. Wolf, supra note 5, Ch. 7, § 878, p. 318). Cette critique d'apparence humanitaire peut être comprise comme la défense du mercenariat neuchâtelois.
82. Stribrny, supra note 21, S. 110-114.
83. "nec justa belli causa est, si vicinus nulla pactione impeditus in suo munitionem faciat, quæ damnum aliquando dare possit, vel tempore pacis de bello cogitet, veluti milites conscribendo, classem colligendo, apparatum bellicum comparando." (Wolf, supra note 5, §641, pp. 231-232)
84. Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 3, § 44, pp. 34-35.
85. Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 3, § 45, p. 37.
86. Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 3, § 49, p. 41.
87. Vattel, supra note 1, Liv. 3, Ch. 3, § 45, p. 38.
88. C'est ce que Vattel souligne dans ses Mémoires pour servir à l'Histoire de notre tems, publiés aux Pays-Bas de 1757 à 1758.
89. Par exemple, selon Fenwick "Vattel's fondness for abstract reasoning lead him to discuss wholly imaginary situations." (Charles G. Fenwick, "The Authority of Vattel," The American Political Science Review, vol. 7, no. 3, 1913, pp. 395-410, at p. 398) Mais les circonstances où "the social compact" est mis en cause n'étaient pas "wholly imaginary" pour Vattel. En 1758 les Neuchâtelois demandaient instamment au roi de Prusse de respecter les Articles Généraux de 1707.
90. A cet égard notons aussi le propos de Vattel sur l'abolition du droit d'aubaine (l'exclusion des étrangers de toute succession dans l'Etat) par "le Souverain juste & équitable" (Vattel, supra note 1, Liv. 2, Ch. 8, § 112, p. 337).
91. Le droit d'aubaine était pratiqué en France et était un des mécontentements de ressortissants Neuchâtelois. La France et Neuchâtel conclurent en 1774 un traité d'abolition du droit d'aubaine (Courvoisier, supra note 31, p. 166).
92. Vattel, supra note 1, Liv. 1, Ch. 4, § 38, p. 39 (italiques de l'auteur).
93. Vattel, supra note 1, Liv. 1, Ch. 4, §§ 50-51, pp. 47-48 (italiques de l'auteur).
94. Vattel, supra note 1, Préface, p. xvi.
95. Selon Vattel "la succession n'est etablie ou reçuë qu'en vuë du bien public & salut commun. S'il arrivoit donc que l'ordre établi à cet égard devînt destructif de l'Etat, la Nation auroit certainement le droit de le changer par une Loi nouvelle." (Vattel, supra note 1, Liv. 1, Ch. 5, § 61, p. 59)
96. Quant à la question de la succession de la Principauté par Frédéric Ier en 1707, Vattel ne la critique pas directement, mais il constate que "[l]orsque l'hommage, laissant subsister l'indépendance & l'Autorité souveraine dans l'administration de l'Etat, emporte seulement certains Devoirs envers le Seigneur du Fief, ou même une simple reconnoissance honorifque, il n'empêche point que l'Etat, ou le Prince Feudataire ne soit véritablement souverain. Le Roi de Naples fait hommage de son Roïaume au Pape: Il n'en est pas moins compté parmi les principaux Souverains de l'Europe" (Vattel, supra note 1, Liv. 1, Ch.1, § 8, p. 20; italiques de l'auteur).
97. Rappelons que le point le plus faible des arguments du roi de Prusse en 1707 était le fait que son droit était dérivé du droit des Châlons de recevoir l'hommage du comte de Neuchâtel (supra note 15). Mais Vattel ne nia pas de manière pure et simple la légitimité de la succession de 1707, peut-être parce qu'il ne voulait pas gêner la famille de Montmollin qui l'avait soutenue.
98. Vattel, supra note 1, Liv. 1, Ch. 5, § 61, pp. 59-60 (italiques de l'auteur).
99. Il reprend le sujet en 1762, mais avec une expression moins évocatrice: "Il seroit à souhaiter que l'on proscrivit généralement cette appellation de Royaume, ou d'Etat patrimonial. Elle ne sert qu'à persuader à un Prince qu'il peut disposer de l'Etat & du peuple qui lui est soumis, comme il disposeroit d'un champ, ou d'un troupeau de bétail. La chose même désignée par ce terme, ne peut avoir lieu par l'é tablissement de la société, qu'autant que le peuple, en déférant l'empire à quelqu'un, aura eû assez de confance en lui, pour lui donner le pouvoir de faire passer cet empire à un autre, s'il trouve que cela soit convenable au bien de l'Etat. Et de-là il paroit que l'expression de Royaume patrimonial n'est pas juste" (Question de droit naturel, (Berne: Société typographique, 1762), p. 342; italiques de l'auteur).
100. Ainsi, la question est considérée désormais comme touchant à l'expression mais pas au fond (dans le même sens voir aussi ibid. pp. 357-359).
101. Vattel, supra note 1, Liv. 1, Ch. 4, § 52, pp. 51-52 (italiques de l'auteur).
102. Vattel, supra note 1, Liv. 2, Ch. 2, § 55, p. 297.
103. Vattel, supra note 1, Liv. 2, Ch. 4, § 56, pp. 298-299.
104. Ibid., p. 299.
105. Ibid.
106. Vattel, supra note 1, Liv. 2, Ch. 1, § 7, p. 263.
107. Ce passage correspond à Wolf, supra note 5, Cap. 6, § 637, pp. 229-230, mais il est plus agressif.
108. Guinand, supra note 16, p. 64;
109. Thévenaz, supra note 11, p. 60.
110. Jean-Pierre Jelmini, "Politique intérieure et extérieure de Neuchâtel, de 1707 à la veille de la Révolution française", Histoire du Pays de Neuchâtel, supra note 17, tome 2, pp. 91-105, en part pp. 100-103;
111. Guinand, supra note 16, pp. 64-69;
112. Guyot, supra note 7, pp. 156-161.
113. Philippe Henry, "Libertés neuchâteloises et liberté suisse", Musée neuchâtelois, 5ème série, 6ème année (2002), pp. 143-167.
114. Fenwick, supra note 64, pp. 406-410;
115. Benjamin Franklin écrit en décembre 1775 à Dumas, qui lui avait envoyé son édition du livre de Vattel, que "[i]t came to us in good season, when the circumstances of a rising State made it necessary frequently to consult the Law of Nations" (De Lapradelle, "Introduction" à supra note 1, p. xxx, note 1).
116. Pour les infuences de Vattel et d'autres Suisses ainsi que la pratique constitutionnelle des cantons suisses sur la Constitution des Etats-Unis d'Amérique de 1787, voir Paul Widmer, "Der Einfuß der Schweiz auf die amerikanische Verfassung von 1787", Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 38, pp. 359-389
117. et, plus particulièrement sur l'article 2.2 accordant au Sénat le droit de regard sur la conclusion des traités, Peter Haggenmacher, "Some Hints on the European Origins of Legislative Participation in the Treaty-Making Function", Chicago-Kent Law Review 67 (1992), pp. 313-339.