A self-limiting radicalism? the case of the mobilization of the « have-nots » in contemporary france;les mobilisations des « sans » dans la france contemporaine: L'émergence d'un « radicalisme autolimité »?

Revue Francaise de Science Politique

Volumn 52, Issue 4, 2002, Pages 425-447

  Mouchard, Daniel ^a  

^a UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON SORBONNE   (France)

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EID: 67649133327     PISSN: 00352950     EISSN: None     Source Type: Journal    
DOI: 10.3406/rfsp.2002.403727     Document Type: Article

References (102)

1. On peut citer notamment Agir ensemble contre le chômage (fondé en 1993), Droit au logement (fondé en 1990), Droits devant (fondé en 1994), les différents collectifs de sanspapiers qui apparaissent à partir de 1996 (Saint-Hyppolite, Saint-Bernard, « Troisième collectif ») ⋯ Une caractéristique saillante de ces organisations est leur hétérogéné ité sociologique, associant des militants fortement dotés en ressources politiques (dont beaucoup sont proches des organisations d'extrême-gauche ou du syndicalisme « critique », notamment de la Ligue communiste révolutionnaire, SUD, ou de l'« aile gauche » de la CFDT) et une base sociale relativement dénuée de celles-ci. Sur ce point, cf. I. Sommier, Les nouveaux mouvements contestataires à l'heure de la mondialisation, Paris, Flammarion, 2001.
2. M. Lipsky, « La contestation comme ressource politique » (trad. fr.), dans J. Padioleau (dir.), L'opinion publique. Examen critique, nouvelles directions, Paris/La Haye, Mouton, 1981, p. 336-367. Cf. aussi sur ce point, J. Siméant, La cause des sans-papiers, Paris, Presses de Sciences Po, 1998.
3. Pour une première approche, cf. C. Aguiton, D. Bensaïd, Le retour de la question sociale, Lausanne, Page Deux, 1997; H. Brochier, J.-C. Delouche, Les nouveaux sans-culottes, Paris, Grasset, 1999; J.-M. Salmon, Le désir de société. Des restos du cœur au mouvement des chômeurs, Paris, La Découverte, 1998; S. Béroud, R. Mouriaux, M. Vakaloulis, Le mouvement social en France. Essai de sociologie politique, Paris, La Dispute, 1998. Soulignons par ailleurs d'emblée qu'on ne pourra, dans le cadre de cet article, retracer les racines historiques des diffé- rents phénomènes examinés, repérables notamment dans la période de l'après-68. C'est ainsi le cas pour les mobilisations de sans-papiers (sur ce point, J. Siméant, op. cit.) ou, de manière plus limitée, de chômeurs.
4. On ne peut non plus détailler ici le travail identitaire, résultant d'une action coordonnée des différentes organisations, qui mène à la constitution de l'acteur collectif « sans » (un de ses moments importants étant le lancement de l'« appel des sans » en décembre 1995).
5. On emprunte l'expression « horizon d'attente » à R. Koselleck, Le futur passé (trad. fr.), Paris, EHESS, 1990. L'intérêt de ce concept est de tenter de saisir, dans un contexte donné, à travers différents types de pratiques et différents « niveaux » de discours, des réfé rents communs qui n'apparaissent pas nécessairement au premier abord.
6. « Pourquoi nous insistons », Le Monde, 30 mai 1997.
7. Sur la « centralité » du travail dans l'histoire du conflit social, parmi d'innombrables travaux, on retiendra J. Habermas, « La crise de l'État-providence », dans Écrits politiques (trad. fr.), Paris, CERF, 1990; R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995; G. Groux, Vers un renouveau du conflit social?, Paris, Bayard, 1998. La rupture avec le référent « travail », soulignée par tous ces auteurs, n'est pas une « nouveauté » de la décennie 1990 (même si sa visibilité s'accentue): certains thèmes revendicatifs développés par les organisations de « sans », notamment le revenu garanti et la libre circulation des personnes, trouvent leurs racines dans les mobilisations de l'après-68.
8. Cf. C. Péchu, « Quand les "exclus" passent à l'action. La mobilisation des mal-logés », Politix, 34, 1996, p. 115-134. Pour autant, l'usage d'un répertoire de ce type ne naît pas avec les mobilisations de « sans » et a, là aussi, des antécédents dans la période de l'après-68 (sur ce point, I. Sommier, La violence politique et son deuil. L'après-68 en France et en Italie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1998).
9. Dans la perspective de ce texte (la construction d'un rapport conflictuel entre groupes mobilisés et État), on est nécessairement amené à considérer l'État comme se le représentent ces groupes, c'est-à-dire de manière quelque peu « réifiée », comme un ensemble d'institutions offrant une figure négative relativement unifiée. Il ne s'agit donc pas de reconduire un biais « objectiviste », mais plutôt d'observer les modalités d'objectivation de l'État. Sur ce point en général, cf. B. Lacroix, « Ordre politique et ordre social. Objectivisme, objectivation et analyse politique », dans M. Grawitz, J. Leca (dir.), Traité de science politique, Paris, PUF, 1985, t.1, notamment p. 472-482.
10. Pour le lien entre ces différents « niveaux » (répertoires d'action, justifications), cf., par exemple, les remarques de R. Edmonsson, F. Nullmeier, « Knowledge, Rhetoric and Political Action in Context », dans The Political Context of Collective Action, Londres, Routledge, 1997, p. 219-239.
11. Selon l'expression (self-limiting radicalism) forgée par A. Arato, J. Cohen, dans Civil Society and Political Theory, Cambridge, MIT Press, 1992.
12. Ce qui amène à considérer des groupes d'acteurs différents: militants bénéficiant de fortes ressources politiques, « base » des organisations, intellectuels qui apportent leur soutien. Toutefois, la perspective retenue ici consiste à voir en quoi ces différents acteurs construisent, de façon plus ou moins « pratique » ou « théorique », une visée commune (ce qui peut d'ailleurs, comme on le verra, nécessiter le recours à des modèles de théorie politique pour exposer clairement cette visée normative). De ce fait, on sera conduit à laisser au second plan les tensions et conflits qui peuvent apparaître entre ces différents groupes qui construisent « le mouvement ».
13. Cf. notamment J. Donzelot, L'invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Fayard, 1984. Cette causalité est cependant ambivalente: on peut aussi avancer que la construction de l'État social est un facteur de conflit. Il n'en reste pas moins que la fonction distributive de l'État contribue à circonscrire l'espace de la confrontation.
14. R. Dethyre, « L'APEIS a dix ans. Réflexions », Société française, 59 (9), avrilmai 1997, p. 18.
15. Sur la « diabolisation » des ASSEDIC par le discours de l'APEIS, cf. F. Bourneau, V. Martin, « Organiser les sans-emploi? L'expérience de l'APEIS dans le Val de Marne », dans O. Fillieule (dir.), Sociologie de la protestation, Paris, L'Harmattan, 1993, p. 170-172.
16. F. F. Piven, R. Cloward, Poor People's Movements, Why They Succeed, How They Fail, New York, Vintage Books, 1977, p. 20-21: « les gens font l'expérience des salles d'attente, du superviseur ou du travailleur social, et de l'allocation. Ils ne font pas l'expérience de la politique sociale américaine⋯ En d'autres termes, c'est l'expérience quotidienne des gens qui façonne leurs griefs, établit la mesure de leurs demandes, et fait ressortir les cibles de leur colère ». Cf. aussi sur ce point M. Lipsky, Street-Level Bureaucracy: Dilemnas of the Individual in Public Services, New York, Russell, 1980.
17. L'organisation Agir ensemble contre le chômage (AC !), fondée en 1993 par des militants syndicaux et des intellectuels, et connaissant par la suite un développement rapide, sera un des acteurs déterminants du « mouvement des chômeurs » et, notamment, des mobilisations de l'hiver 1997-1998.
18. « Un nouvel ordre disciplinaire? », document AC !, 17 septembre 1998. Sur le thème d'un glissement du « social » au « pénal », et sur celui du workfare, cf. L. Wacquant, « La tentation pénale en Europe », Actes de la recherche en sciences sociales, 124, septembre 1998, p. 3-7.
19. Tract AC !, avril 1998.
20. « Proposition de résolution sur la situation des sans-papiers en France », document collectif de Saint-Bernard, 2 octobre 1996.
21. J.-C. Amara, M. Aounit, J.-F. Berjonneau, J.-C. Bouvier, C. Bravo, H. Leclerc, D. Lochak, J. Rousseau, P. Vouland, J.-P. Weben, « Tour de France des sans-papiers en colère, qui ne sont pas clandestins », Libération, 13 juin 1996.
22. Mémorandum du Troisième collectif des sans-papiers, septembre 1996.
23. Sur ce point, P. Rosanvallon, La crise de l'État- providence, Paris, Le Seuil, 1981, p. 59-63.
24. Selon le terme de D. Fassin, « La supplique. Stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d'aide d'urgence », Annales ESC, septembre-octobre 2000, p. 953-983.
25. Sur ce point, cf. parmi de nombreuses références, B. Lautier, « L'État et le social », dans B. Théret (dir.), l'État, la finance et le social. Souveraineté nationale et construction européenne, Paris, La Découverte, 1995, p. 483-508.
26. Sur ce point, cf. notamment J. Commaille, Les nouveaux enjeux de la question sociale, Paris, Hachette, 1999.
27. Formulaire « CASU », document AC !, janvier 1998.
28. Cet « Appel », lancé le 20 décembre 1997 lors de l'occupation du Carrousel du Louvre à Paris, et signé par les organisations partie prenante au « mouvement des chômeurs » (AC !, APEIS, CDSL, DAL, DD, MNCP, SUD⋯), vise à avancer des revendications unitaires et à construire une définition commune de la situation.
29. Appel du Louvre, cité.
30. On retrouve ainsi les remarques d'A. Melucci sur l'importance de l'« inversion symbolique » dans les discours produits par les mobilisations. Cf. notamment Challenging Codes: Collective Action in the Information Age, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
31. Entretien avec un militant d'un collectif parisien d'AC !.
32. On ne peut ici revenir sur la construction et la diffusion de cette revendication au sein du « mouvement des chômeurs ». Cette revendication monte en puissance progressivement, au sein des organisations et d'abord d'AC !, par rapport à d'autres revendications plus traditionnelles privilégiées par les militants syndicaux fondateurs (notamment la réduction du temps de travail). Ce succès résulte à la fois de l'expression de demandes spécifiques aux chômeurs mobilisés (demandes « quotidiennes » concernant les ressources, le logement, les transports⋯) et d'un important travail de politisation de cette « quotidienneté » (qui est aussi un travail identitaire) entrepris par une frange militante radicale qui rejoint AC ! à partir de 1994. Les mobilisations de l'hiver 1997-1998 marqueront l'inscription de la revendication sur l'agenda médiatique et politique (via notamment la commande d'un rapport portant sur une refonte globale du système des minima sociaux, les débats autour de la « loi contre les exclusions » votée en juin 1998), au-delà du débat interne aux organisations. Ce « succès » est toutefois restreint par le caractère limité de la réponse gouvernementale en termes de politiques publiques effectives.
33. Cf. notamment, de manière plus générale, P. Va n Parijs, Refonder la solidarité, Paris, Le Cerf, 1995. Selon cet auteur, l'instauration d'un revenu garanti modifierait radicalement les fondements de l'État providence, le tirant vers un modèle « painéen » (du nom du philosophe Thomas Paine, un des premiers promoteurs de cette idée), en lieu et place des modèles « bismarckiens » et « beveridgiens ». Ce modèle alternatif se caractérise par le fait qu'« il ne restreint pas les transferts à ceux qui sont dans le besoin et ne parviennent pas à s'en sortir par eux-mêmes » (p. 29-30). On reconnaît ici la rupture avec la logique de l'entitlement. Cf. aussi sur ce point (la dialectique universalité/particularité au sein de l'État providence), P. Jones, « Universal Principles and Particular Claims: From Welfare Rights to Welfare States », dans R. Goodin, A. Ware (eds), Needs and Welfare, Londres, Sage, 1990, p. 34-54.
34. Lettre au ministre des Affaires sociales, document AC !, 24 mars 1997.
35. Tract AC !, septembre 1998.
36. Y. Moulier-Boutang, « Un nouveau New Deal est en marche », Alice, 1, janvier 1998, p. 26.
37. Sur ce terme, cf. C. Péchu, art. cité.
38. L. Thévenot, « Faire entendre une voix. Régimes d'engagement dans les mouvements sociaux », Mouvements, 3, mars-avril 1999, p. 77.
39. C. Hoareau, propos rapportés dans Libération, 7 décembre 1998.
40. Document AC !, Bordeaux, 20 février 1997.
41. « Rapacité maximum sur le revenu minimum », tract AC !-MDE, novembre 1998.
42. W. Gamson, B. Fireman, S. Rytina, Encounters with Unjust Authorities, Homewood, Dorsey Press, 1982, p. 14. Sur les analyses de la « rencontre bureaucratique », cf. aussi V. Dubois, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 1999. Une critique analogue des institutions « proches » est menée par les porte-parole des collectifs de sans-papiers: cf. notamment, à propos des foyers d'hébergement, M. Cissé, Parole de sans-papiers, Paris, La Dispute, 1999, p. 212.
43. « Actions revenu: mode d'emploi de base », document AC !-Commission revenu, octobre 1995.
44. Propos tenus en AG du collectif AC-MDE (Observation du 01-03-99).
45. « Loi de réquisition, mode d'emploi », document DAL, disponible sur le site Internet «http://www.easynet.fr/appelsan/dal.html/ ».
46. J.-B. Eyraud, « Droit au logement: j'occupe, je négocie, je reloge », Politique, la revue, 7, avril 1994, p. 76.
47. Qui consistent à intervenir dans les transports publics, voire à les bloquer pour affirmer publiquement l'exigence de gratuité des transports pour les chômeurs.
48. Cette stratégie est affirmée dès sa fondation, dans sa charte: « DAL revendique le droit au logement pour tous, qui est un droit constitutionnel et fondamental » (Charte DAL, disponible sur le site Internet
49. Sur ce point, voir M. Chauvière, B. Duriez, « Droit au logement contre droit de propriété: les squatters dans la crise du logement », Annales de la recherche urbaine, 66, mars 1995, p. 88-95.
50. Selon l'expression de L. Boltanski et L. Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991, p. 27. Selon ces auteurs, le principe de commune humanité constitue un principe de justification à haute valeur légitimante. Cette remarque ne préjuge toutefois pas du caractère ambivalent du registre humanitaire (et du danger « misérabiliste »), comme l'a montré J. Siméant (op. cit.).
51. Cf., par exemple, J. Cathala, « Les étrangers, la loi et le droit », Papiers, 1, 1997, p. 99. Cette « appropriation » peut aussi passer par la mise en place de rituels « républicains » alternatifs, tel le « parrainage » de sans-papiers par des ressortissants français, élus, artistes, intellectuels ou « simples citoyens ».
52. J.-C. Amara, propos repris dans Info DAL, 2, 15 janvier 1995.
53. Sur l'usage de la symbolisation de la violence, comme substitut à la violence physique, cf. I. Sommier, « La dialectique violence physique/violences symboliques », CURAPP, La gouvernabilité, Paris, PUF, 1996, p. 63-77.
54. Ainsi de l'action menée contre un magasin « Cash Converters », en janvier 1998, par quelques personnes, et débouchant sur une mise à sac du magasin. De manière significative, cette action sera condamnée par les principales organisations.
55. « Actions revenu », document AC ! - Commission revenu, 4 mai 1996. Sur les formes de gestion de la violence dans un cas relativement analogue à plusieurs égards (les « zaps » d'Act-Up), cf. V. Patouillard, « Une colère politique: l'usage du corps dans une situation exceptionnelle, le zap d'Act-Up Paris », Socié tés contemporaines, 31, 1998, p. 15-36.
56. « Polémique autour d'actions mouvementées des chômeurs », art. cité.
57. J.-B. Eyraud, Monsieur le Président, expulsez la misère, Paris, Laffont, 1995, p. 58.
58. Selon l'expression de J. Ion et M. Peroni, dans Engagement public et exposition de la personne, La Tour d'Aigues, Editions de l'Aube, 1997, notamment p. 5-9.
59. J.-B. Eyraud, op. cit., p. 59.
60. Cf. sur ce point C. Mellon, J. Sémelin, La non-violence, Paris, PUF, 1994, notamment p. 50-53, à propos de l'« affirmation du sujet résistant ».
61. Document AC ! - Commission revenu, octobre 1995.
62. J. Siméant, « La violence d'un répertoire: les sans-papiers en grève de la faim », dans P. Braud (dir.), La violence politique dans les démocraties occidentales, op. cit., p. 321. Ce répertoire n'est toutefois pas utilisé par les autres organisations de « sans » (à l'exception de la grève de la faim d'une allocataire du RMI membre d'AC !, en 1998, qui ne recueillera toutefois pas une attention publique aussi importante).
63. Tract coordination sans-papiers Ile de France, 4 novembre 1998.
64. Sur ce point, cf. J. Costa-Lascoux, « L'affaire des sans-papiers », Raison présente, 124, 1997, notamment p. 7.
65. Cf. sur ce point C. Mellon, J. Sémelin, op. cit. Cf. aussi, de manière plus générale, J. C. Scott, Weapons of the Weak. Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, Yale University Press, 1985.
66. Sur ce point en général, cf. D. Memmi, « Le corps protestataire aujourd'hui: une économie de la menace et de la présence », Sociétés contemporaines, 31, juillet 1998, p. 87-107.
67. Cf. aussi sur ce point, à propos des « nouveaux mouvements sociaux » et de l'obsolescence de l'horizon révolutionnaire traditionnel, A. Melucci, Challenging Codes⋯, op. cit., p. 186 et suiv.
68. Sur ce point, la référence la plus complète est A. Arato, J. Cohen, op. cit. Cf. aussi C. Offe, « Les nouveaux mouvements sociaux: un défi à la politique institutionnelle », dans Les démocraties modernes à l'épreuve (trad. fr.), Paris, L'Harmattan, 1997, p. 98-132. Sur l'enjeu d'autonomie dans les « nouveaux mouvements sociaux », cf. aussi A. Melucci, Nomads of the Present. Social Movements and Individual Needs in Contemporary Society, Philadelphia, Temple University Press, 1989, p. 165-174.
69. J. Habermas, Théorie de l'agir communicationnel (trad. fr.), Paris, Fayard, t. 2, 1987, p. 431.
70. A. Arato, J. Cohen, op. cit., p. 493.
71. J. Habermas, Droit et démocratie (trad. fr.), Paris, Gallimard, 1997, p. 399.
72. A. Arato, J. Cohen, Civil Society and Political Theory, op. cit., p. 548.
73. Ibid., p. 531.
74. J. Habermas, op. cit., p. 397.
75. Sur tous ces points, Y. Sintomer, La démocratie impossible? Politique et modernité chez Weber et Habermas, Paris, La Découverte, 1999, p. 286 et 309-315. Sur l'ambivalence du droit au regard de l'altérité, cf. les réflexions de D. Lochak, « L'Autre saisi par le droit », dans B. Badie, M. Sadoun (dir.), L'autre, Paris, Presses de Sciences Po, 1996, p. 179-201.
76. Cette remarque doit bien sûr être replacée dans un contexte plus large (sur lequel on ne peut toutefois pas s'étendre ici), de « juridicisation du politique », c'est-à-dire de montée en puissance de la référence juridique comme facteur de légitimation. Cf. sur ce point J. Commaille, « La juridicisation du politique. Entre réalité et connaissance de la réalité », dans J. Commaille, L. Dumoulin, C. Robert (dir.), La juridicisation du politique. Leçons scientifiques, Paris, LGDJ, 2000, p. 241-251, notamment p. 242-244.
77. Sur la montée en puissance de la revendication de « revenu garanti », cf. supra. Le terme « life politics » est emprunté à Anthony Giddens (dans Les conséquences de la modernité (trad. fr), Paris, L'Harmattan, 1994, p. 162), qui désigne par là les « engagements radicaux visant à rendre possible une vie pleine et satisfaisante pour tous ». Giddens distingue cette « politique de vie » d'une « politique émancipatoire », qui désigne quant à elle « les engagements radicaux concernant la libération de la servitude et de l'inégalité ». Dans le cas analysé ici, toutefois, il semble que ce soit bien plutôt l'articulation de ces deux aspects qui dessine une forme originale de politisation, en tous les cas non réductible à une simple addition de demandes « d'urgence ».
78. Cette revendication se développe sur le fond d'une importante évolution de la législation européenne sur l'immigration, notamment introduite par les accords de Schengen. Pour une vue historique de la « gestion » de la circulation des populations, cf. J. Torpey, « Aller et venir. Le monopole étatique des moyens légitimes de circulation », Cultures et conflits, 31-32, automne 1998, p. 63-100.
79. Il est d'ailleurs significatif à cet égard que, dans les débats (souvent virulents) au sein des collectifs de sans-papiers, la question de la libre circulation et celle de l'autonomie des mobilisations soient liées. Pour une présentation de ces débats, cf. D. Richter, « Sans-papiers et syndicalisme: autour de quelques rendez-vous manqués », Papiers, 1, 1998, p. 29-37. La revendication de libre-circulation est critiquée, à l'instar d'ailleurs de celle du revenu garanti, au motif qu'elle serait susceptible d'une lecture ultra-libérale aboutissant au démantèlement des protections des individus. Toutefois, les partisans de la libre circulation répondent qu'il s'agit d'assortir le droit de circulation d'un « droit d'installation », incluant les différentes protections individuelles. Sans creuser ce débat (ce qui dépasserait le cadre de ce travail), on peut se contenter de noter qu'il est le signe, là aussi, de l'ambivalence et de la complexité des revendications les plus « radicales » portées par les mobilisations de « sans ». Sur les différentes justifications de la liberté de circulation en général, on consultera B. Barry, R. Goodin (eds), Free Movement, New York, Harvester, 1992.
80. Cf., par exemple, Y. Moulier-Boutang, « La France, l'Union et la question des immigrés », Futur antérieur, 37, 1996; M. Chemillier-Gendreau, L'injustifiable. Les politiques françaises de l'immigration, Paris, Bayard, 1998.
81. Cf. notamment, M. Chemillier-Gendreau, ibid. Cf. aussi le texte à ce sujet signé par plusieurs associations, qui affirme: « nous ne voulons pas être les privilégiés d'une société où, sur le même sol, certains auraient tous les droits et d'autres aucun »: « Pour la liberté de circulation. Contribution à un débat empêché sur la politique des flux migratoires » (texte signé notamment par Droits devant ou le Syndicat de la magistrature), Futur antérieur, 41-42, 1997, p. 176.
82. Sur ce point en général, cf. J. Commaille, « La juridicisation du politique⋯ », art. cité. Sur le rôle croissant du droit dans les mobilisations à partir de l'après-68, cf. P. Lascoumes, « De la cité d'urgence à l'association AIDES. Luttes juridiques, fronts secondaires et intellectuels spécifiques », Les Temps modernes, 587, mars-avril 1996, p. 344-356.
83. A. Arato, J. Cohen, op. cit., p. 587-588.
84. Ce point est mis en lumière notamment par H. Arendt, « La désobéissance civile », dans Du mensonge à la violence (trad. fr.), Paris, Calmann-Lévy, 1972, p. 55-111. Cf. aussi à ce sujet, H. Bedau (ed.), Civil Disobedience in Focus, Londres, Routledge, 1991, notamment p. 1-13.
85. A. Arato, J. Cohen, op. cit., p. 582.
86. J. Rawls, « Definition and Justification of Civil Disobedience », dans H. Bedau (ed.), op. cit., p. 103-122.
87. A. Arato, J. Cohen, op. cit., p. 594.
88. Ibid., p. 566. Ces auteurs partagent d'ailleurs le constat d'une « juridicisation » croissante du politique. On retrouve ce constat (de manière toutefois plus nuancée) chez J. Habermas: cf. « Le droit et la force », dans Écrits politiques (trad. fr.), Paris, Le Cerf, 1990, p. 100.
89. « Appel à désobéir », Le Monde, 12 février 1997. Le mouvement pétitionnaire s'étendra par la suite jusqu'à réunir environ 10 000 signatures, à partir de pétitions « catégorielles » publiées dans Libération (avocats, chercheurs, militants associatifs, artistes⋯). Le mouvement se matérialisera aussi dans une manifestation organisée le 22 février à Paris, qui réunira environ 100 000 personnes. Sur la dynamique de ce mouvement, cf. J.-G. Contamin, « Contribution à une sociologie des usages pluriels des formes de mobilisation. Le cas de la pétition », thèse de doctorat en science politique, Université Paris I, 2001.
90. D. Sieffert, « Le réveil des consciences », Politis, 27 février 1997, p. 5.
91. D. Franck, Libération, 14 février 1997.
92. E. Morin, Libération, 14 février 1997.
93. « Nous ne pouvons plus laisser faire », pétition, Libération, 15 février 1997.
94. « Appel des 121 », Libération, 15 février 1997.
95. B. Langlois, « La chanson de Gavroche », Politis, 20 février 1997, p. 2.
96. É. Balibar, « Ce que nous devons aux sans-papiers », dans Droit de cité. Culture et politique en démocratie, La Tour d'Aigues, Éditions de l'Aube, 1998, p. 25.
97. Projet d'« appel à la désobéissance professionnelle », document AC !, janvier 1998.
98. Cf. aussi sur ce point, et sur la création quotidienne de « saillances situationnelles » dans l'ordre juridique et institutionnel, les analyses de C. Péchu, art. cité.
99. Notons que cette tendance à la banalisation des actes d'illégalisme ne concerne pas que les mobilisations de « sans ». Des études plus générales ont elles aussi mis en évidence cette diffusion de pratiques « non-conventionnelles », au premier chef l'enquête (déjà quelque peu ancienne) de S. Barnes et M. Kaase, Political Action, op. cit. Cf. aussi sur ce point en ce qui concerne la France, P. Perrineau (dir.), L'engagement politique, déclin ou mutation?, Paris, Presses de Sciences Po, 1994. Il faut d'ailleurs noter que les phénomènes analysés ici, à propos du cas français, sont également observables dans d'autres pays européens, qui connaissent des processus de mobilisation similaires (c'est notamment le cas en Allemagne ou en Italie).
100. É. Balibar, « Qu'est-ce qu'une politique des droits de l'homme? », dans Aux frontières de la démocratie, Paris, La Découverte, 1992, p. 265. Cf. aussi Y. Sintomer, « Aux limites du pouvoir démocratique: désobéissance civile et droit à la résistance » (Actuel Marx, 24 (2), 1998) et M. Pedretti, La figure du désobéissant en politique (Paris, L'Harmattan, 2001).
101. É. Balibar, « Contre le fascisme, pour la révolte », dans Droit de cité, op. cit., p. 139.
102. A. Arato, J. Cohen, op. cit., p. 565.