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Volumn 19, Issue 2, 2003, Pages 157-170

Partir pour le bout de la terre

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EID: 66549115044     PISSN: 12907839     EISSN: None     Source Type: Journal    
DOI: 10.3917/crii.019.0157     Document Type: Article
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    • Les développements qui vont suivre s'inspirent en partie de notre étude menée avec Laurette Mokrani et de mon ouvrage sur Sangatte. Voir S. Laacher, Après Sangatte. Nouvelles immigrations, Nouveaux enjeux, Paris, La Dispute, 2002. Le Centre d'hébergement et d'accueil d'urgence humanitaire de la Croix-Rouge française de Sangatte (CHAUH) fut créé en septembre 1999. La gestion en était assurée par la Croix-Rouge sur financement de la Direction de la population et des migrations (DPM) du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Il s'agissait, à l'origine, de faire face à une situation d'urgence à l'égard des réfugiés fuyant la guerre au Kosovo. Ensuite, d'autres ont pris leur place, en provenance d'autres régions du monde. Ouvert initialement pour 200 à 300 personnes, le centre accueillait depuis plusieurs mois entre 1 500 et 2 000 personnes
    • Les développements qui vont suivre s'inspirent en partie de notre étude menée avec Laurette Mokrani et de mon ouvrage sur Sangatte. Voir S. Laacher, Après Sangatte. Nouvelles immigrations, Nouveaux enjeux, Paris, La Dispute, 2002. Le Centre d'hébergement et d'accueil d'urgence humanitaire de la Croix-Rouge française de Sangatte (CHAUH) fut créé en septembre 1999. La gestion en était assurée par la Croix-Rouge sur financement de la Direction de la population et des migrations (DPM) du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Il s'agissait, à l'origine, de faire face à une situation d'urgence à l'égard des réfugiés fuyant la guerre au Kosovo. Ensuite, d'autres ont pris leur place, en provenance d'autres régions du monde. Ouvert initialement pour 200 à 300 personnes, le centre accueillait depuis plusieurs mois entre 1 500 et 2 000 personnes (principalement des Kurdes et des Afghans) quand a été prise la décision de sa fermeture, fin 2002.
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    • L'examen des raisons qui ont rendu absolument nécessaire la rupture avec son pays et les siens s'écarte grandement de ces fausses vérités qui ne peuvent prendre la forme d'évidences générales et s'imposer comme telles que si l'on présuppose que les pays dont sont originaires les personnes accueillies au centre de Sangatte sont structuralement homogènes et socialement indifférenciés, c'est-à-dire, en un mot et pour parler vite, qu'elles ne sont dans leur totalité que des océans de misère totale. À la question de savoir « Pourquoi êtes-vous partis ? » (sur un échantillon de 284 personnes), 39,4 % ont répondu « la guerre », 34,2 % « les persécutions politiques », 7,4 % « le chômage ».
    • L'examen des raisons qui ont rendu absolument nécessaire la rupture avec son pays et les siens s'écarte grandement de ces fausses vérités qui ne peuvent prendre la forme d'évidences générales et s'imposer comme telles que si l'on présuppose que les pays dont sont originaires les personnes accueillies au centre de Sangatte sont structuralement homogènes et socialement indifférenciés, c'est-à-dire, en un mot et pour parler vite, qu'elles ne sont dans leur totalité que des océans de misère totale. À la question de savoir « Pourquoi êtes-vous partis ? » (sur un échantillon de 284 personnes), 39,4 % ont répondu « la guerre », 34,2 % « les persécutions politiques », 7,4 % « le chômage ». Dans la rubrique « Autres motifs de départ » (15,8 %), les réponses données sont fortement similaires et peuvent sans difficulté être (re)distribuées à peu près également entre les rubriques « guerre » et « persécutions politiques ». Pour la majorité des personnes, sauf pour celles qui évoquent une persécution personnelle, il est constamment question d'insécurité quotidienne et d'absence de maîtrise de l'ordre du monde. Cette absence d'ordre, dans les pays dont sont issues les personnes accueillies à Sangatte, a pour effet direct de produire une réalité fondée sur un principe unique de fonctionnement : celui de la violence arbitraire et permanente. Les chiffres ci-dessus ne sont pas une révélation en soi, ils confirment tout simplement, pour cette population, cette donnée fondamentale qu'il importe de ne jamais perdre de vue : l'exil forcé est une condition imposée par les circonstances historiques.
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    • Entretien de Hâfez Sadîqollah Hasanî, ancien membre de la police secrète des tâleban, avec Christina Lamb, correspondant à Quetta (Pakistan) pour The Daily Telegraph, Londres, 30 octobre 2001, dans M. Barry, Le royaume de l'insolence. L'Afghanistan, 1504-2001, Paris, Flammarion, 2002, p. 482.
    • Entretien de Hâfez Sadîqollah Hasanî, ancien membre de la police secrète des tâleban, avec Christina Lamb, correspondant à Quetta (Pakistan) pour The Daily Telegraph, Londres, 30 octobre 2001, dans M. Barry, Le royaume de l'insolence. L'Afghanistan, 1504-2001, Paris, Flammarion, 2002, p. 482.
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    • La double absence
    • A. Sayad, La double absence, Paris, Le Seuil, 1999, pp. 61-62.
    • (1999) Paris, Le Seuil , pp. 61-62
    • Sayad, A.1
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    • On se reportera, pour une analyse plus approfondie de la figure du passeur, à S. Laacher et L. Mokrani, « Le passeur et son passager, deux figures inséparables », Plein droit, no 55, décembre 2002.
    • On se reportera, pour une analyse plus approfondie de la figure du passeur, à S. Laacher et L. Mokrani, « Le passeur et son passager, deux figures inséparables », Plein droit, no 55, décembre 2002.
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    • Cette citation est extraite d'un entretien réalisé par Laurette Mokrani.
    • Cette citation est extraite d'un entretien réalisé par Laurette Mokrani.
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    • La méconnaissance des lieux stratégiques de passage dans les différents espaces nationaux est bien évidemment totale de la part des voyageurs clandestins. Ces lieux, qui peuvent varier selon le temps et les espaces, offrent des configurations que seuls des passeurs indigènes, c'est-à-dire des nationaux, peuvent connaître et maîtriser. Les passeurs sont organisés en réseaux souples qui se font et se défont en fonction de la mission à accomplir, de la porosité des frontières et de la complexité de l'itinéraire. Il y a des passeurs à plein temps, des passeurs occasionnels et des « passeurs » (la plupart du temps des chauffeurs de camion) qui ne savent pas qu'ils le sont ou qu'ils l'ont été le temps d'un voyage à leur insu. Le cas des organisations mafieuses relève d'une autre complexité et est lié à d'autre
    • La méconnaissance des lieux stratégiques de passage dans les différents espaces nationaux est bien évidemment totale de la part des voyageurs clandestins. Ces lieux, qui peuvent varier selon le temps et les espaces, offrent des configurations que seuls des passeurs indigènes, c'est-à-dire des nationaux, peuvent connaître et maîtriser. Les passeurs sont organisés en réseaux souples qui se font et se défont en fonction de la mission à accomplir, de la porosité des frontières et de la complexité de l'itinéraire. Il y a des passeurs à plein temps, des passeurs occasionnels et des « passeurs » (la plupart du temps des chauffeurs de camion) qui ne savent pas qu'ils le sont ou qu'ils l'ont été le temps d'un voyage à leur insu. Le cas des organisations mafieuses relève d'une autre complexité et est lié à d'autres enjeux. Elles doivent être pensées en relation à l'État. Le manque d'État (ou son impuissance, ou son absence partielle ou quasi totale, etc.), tout comme, inversement, l'existence d'un État autoritaire et corrompu, détermine pour une très grande part les formes, l'expérience, le poids politico-économique et le degré d'internationalisation de ces organisations de trafics humains. Mais il est vrai que les connexions structurelles ou conjoncturelles entre les petits réseaux de passeurs, sorte de sous-traitants, et les organisations mafieuses sont nombreuses. Ce qui pourrait définir une organisation mafieuse se livrant à plein temps au trafic humain c'est qu'elle est matériellement, financièrement et grâce à ses complicités policières et politiques au plus haut niveau la seule capable de remplir un bateau de 800 personnes et le mener à bon port. Nous sommes ici en présence d'activités de masse requérant un minimum d'expertise et dont le champ d'action est l'espace international. On peut aisément imaginer les conditions économiques générales qui doivent être réunies pour mener à bien ce type d'entreprise. Un réseau de passeur frontalier à des ambitions et des missions infiniment moindres : il a seulement en charge de petits groupes qu'il achemine près de la frontière ou qu'il fait passer de l'autre côté.
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    • Extrait du même entretien réalisé par Laurette Mokrani
    • Extrait du même entretien réalisé par Laurette Mokrani.
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    • Il importe de s'arrêter, même brièvement, sur cette expérience fondamentale qui est faite pour la première fois par un grand nombre de personnes, celle de l'inhumanité des relations sociales et humaines lors du voyage. Cette expérience, estil besoin de le rappeler, est d'autant plus dramatique qu'elle est vécue de bout en bout dans la solitude et sans aucune aide extérieure. Sans avoir la prétention d'approfondir ici cette question difficile, disons simplement que l'inhumanité vécue par beaucoup au cours de leur voyage est différente de l'inhumanité des pouvoirs dictatoriaux et de la violence qui régit leur mode de contrôle et de répression des populations. Avoir été persécuté et éventuellement torturé, c'est sans aucun doute avoir fait l'expérience de l'inhumanité des persécuteurs et des tortionnair
    • Il importe de s'arrêter, même brièvement, sur cette expérience fondamentale qui est faite pour la première fois par un grand nombre de personnes : celle de l'inhumanité des relations sociales et humaines lors du voyage. Cette expérience, estil besoin de le rappeler, est d'autant plus dramatique qu'elle est vécue de bout en bout dans la solitude et sans aucune aide extérieure. Sans avoir la prétention d'approfondir ici cette question difficile, disons simplement que l'inhumanité vécue par beaucoup au cours de leur voyage est différente de l'inhumanité des pouvoirs dictatoriaux et de la violence qui régit leur mode de contrôle et de répression des populations. Avoir été persécuté (et éventuellement torturé), c'est sans aucun doute avoir fait l'expérience de l'inhumanité des persécuteurs et des tortionnaires. Mais, dans cette configuration, il est toujours possible de justifier ou de construire des raisons ex post (« j'ai été torturé parce que j'étais un opposant », « c'est après qu'on a brûlé ma maison que je me suis engagé dans la guérilla », etc.). L'inhumanité du voyage est une expérience différente, en nature et en degré, en ce sens qu'elle est un oubli de soi volontaire dans un univers fondé sur une violence symbolique continuelle.
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    • Éliane de Latour décrit les mêmes impératifs à propos d'Africains qui tentent leur chance dans les « terres du Nord » : « À Abidjan, le retour en arrière de ces héros est toujours lu comme un échec personnel des héros et non comme une injustice du système qui accepte difficilement le triomphe de ceux qui sont sortis du rang. Les terres du Nord sont associées à la magie : on ne peut que gagner, s'il y a échec c'est au conquérant qu'il est imputable. Le sens est une fois encore univoque. C'est pourquoi les grands frères migrants sont obligés de mentir, d'envoyer des fables sur leur condition de vie. Et ils ne peuvent revenir les mains vides. » É. de Latour, « Du ghetto au voyage clandestin : la métaphore héroïque », Autrepart, no 19, 2001, p. 174.
    • Éliane de Latour décrit les mêmes impératifs à propos d'Africains qui tentent leur chance dans les « terres du Nord » : « À Abidjan, le retour en arrière de ces héros est toujours lu comme un échec personnel des héros et non comme une injustice du système qui accepte difficilement le triomphe de ceux qui sont sortis du rang. Les terres du Nord sont associées à la magie : on ne peut que gagner, s'il y a échec c'est au conquérant qu'il est imputable. Le sens est une fois encore univoque. C'est pourquoi les grands frères migrants sont obligés de mentir, d'envoyer des fables sur leur condition de vie. Et ils ne peuvent revenir les mains vides. » É. de Latour, « Du ghetto au voyage clandestin : la métaphore héroïque », Autrepart, no 19, 2001, p. 174.


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