Grasping politics and mobilizations of social experiences;Appréhensions du politique et mobilisations des expériences sociales

Revue Francaise de Science Politique

Volumn 52, Issue 2-3, 2002, Pages 145-178

  Gaxie, Daniel ^a  

^a UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON SORBONNE   (France)

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EID: 66249146037     PISSN: 00352950     EISSN: None     Source Type: Journal    
DOI: 10.3406/rfsp.2002.403705     Document Type: Article

References (41)

1. Ce travail s'inscrit dans le cadre de l'action Ecos no C01H02.
2. e éd., 2000.
3. Toutes ces formulations sont empruntées aux deux ouvrages cités ci-dessus.
4. Jean-Marie Donegani, « Introduction aux modèles de nature qualitative», dans Nonna Mayer (dir.), Les modèles explicatifs du vote, Paris, L'Harmattan, 1997 (« Logiques politiques»), p. 155-176.
5. Ibid.
6. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1990 (« Points essais»), p 127. Il est significatif qu'outre les raisons ontologiques (la liberté comme élément de l'iden- tité en tant qu'un individu se pense comme soi auteur de ses actes successifs), morales et sociales (la liberté comme condition nécessaire de l'imputation morale ou juridique), ce sont des considérations épistémologiques (la recherche des motifs d'une action est interminable alors que celle de son auteur est terminable) qui sauvent aux yeux de Paul Ricœur l'affirmation« que l'agent a le pouvoir de faire» contre l'objection envisagée par Kant de la« paresse» d'un argument qui revient à interrompre le mouvement de la pensée tentant de prendre en compte le« cours entier du monde». Sur cette discussion, cf. ibid., p. 114-136.
7. Je reprends ici les termes de Bernard Lahire, L'homme pluriel. Les ressorts de l'action, Paris, Nathan, 1998 (« Essais et Recherches»), p. 53-54.
8. Alfredo Joignant, « La socialisation politique. Stratégies d'analyse, enjeux théoriques et nouveaux agendas de recherche», Revue française de science politique, 47 (5), octobre 1997, p. 549.
9. Ibid., p. 552 et 555.
10. Ce texte reprend une communication devant le« panel» sur la socialisation, la citoyen- neté et les attitudes à l'égard du politique du congrès de l'Association internationale de science politique qui s'est tenu à Québec en août 2000.
11. Alfredo Joignant, art. cité, p. 535-537. Dressant un bilan de ses recherches, Anne Muxel a, par exemple, récemment souligné l'importance et l'efficacité du rôle de la famille dans la construction de l'identité politique et la transmission des valeurs idéologiques, notam- ment de la religion et de la politique. Ces assertions sont étayées par des comparaisons entre les situations des jeunes interrogés sur l'échelle gauche/droite et celles de leurs parents. Cf. Anne Muxel, L'expérience politique des jeunes, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, p. 51 et suiv.
12. Anne Muxel, « L'âge des choix politiques. Une enquête longitudinale auprès des 18-25 ans», Revue française de sociologie, 33 (2), avril-juin 1992, p. 235 ou plus récemment« Les choix politiques des jeunes à l'épreuve du temps. Une enquête longitudinale», Revue française de science politique, 51 (3), juin 2001, p. 410.
13. J'emprunte ces formulations à Peter Berger et Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Meridiens Klincksieck, 1986, p. 178-179.
14. Pour des formulations comparables, cf. Peter Berger, Thomas Luckmann, ibid.
15. Les développements que l'on va suivre s'appuient sur diverses vagues d'enquêtes par entretiens approfondis et semi-directifs menées depuis 1996. La plupart des matériaux pré- sentés dans cette communication sont tirés d'une recherche menée au cours de l'année 1999- 2000 avec un groupe d'étudiants de la maîtrise de science politique du département de science politique de l'Université Paris I. Ils sont complétés par divers entretiens des enquêtes précé- dentes. Une soixantaine d'entretiens ont été analysés pour la préparation de la communication qui est à l'origine de cet article. Seuls les plus typiques et les plus pertinents, c'est-à-dire ceux qui donnent des éléments de réponses aux questions ou qui permettent d'exemplifier les hypo- thèses mobilisées dans ce travail, ont été présentés ici. Je tiens à remercier Yaël Didi, Nadège Lenoir, Marie Muyl, Fanny Perusse, Philippe Ponet et Frédéric Rousseaux, pour leur participa- tion à cette recherche. Ces entretiens, analysés ici, étaient centrés sur les préférences ou l'absence de préférences politiques ou idéologiques des personnes interrogées. Ils ne permet- tent donc pas d'analyser les dispositions à l'égard de l'ensemble des objets politiques. Certains thèmes parfois privilégiés par les travaux de socialisation politique, comme le rapport à l'État, à la patrie ou au régime politique, la conception de la citoyenneté ou les identités territoriales, ne seront pas abordés ici.
16. Ce n'est donc pas l'analyste qui décide mais bien l'interviewé lui-même qui s'estime peu compétent. Il faut là aussi accorder toute son importance au dit des sujets, même quand leur discours vient contredire la vision que l'on peut avoir du monde social. Cet exemple suggère aussi que le désintérêt pour la politique, le sentiment d'incompétence et l'incompétence (rela- tive) tendent à se renforcer et qu'il est du même coup difficile de soutenir que« le désintérêt ou l'indifférence précède (et finit par engendrer) l'incapacité ou l'incompétence effective» comme le fait Bernard Lahire, op. cit., p. 219.
17. Et peut-être aussi de son éducation et de ses croyances religieuses bien que l'entretien ne comporte guêre d'élé ments permettant d'établir des connexions entre ses convictions reli- gieuses, sa vision du monde social et son mode d'orientation par rapport à l'univers politique.
18. D'une certaine manière, ce résultat obtenu à partir de matériaux de types qualitatifs vient confirmer les hypothèses classiques de Guy Michelat et Michel Simon, « Les "sans réponse" aux questions politiques : rôles imposés et compensation des handicaps», L'Année sociologique, 1982, 32, p. 81-114. Dans cette analyse secondaire de données d'enquêtes quan- titatives, Guy Michelat et Michel Simon faisaient valoir que les attitudes à l'égard de la poli- tique n'étaient pas« idéologiquement neutres», qu'elles ne dépendaient pas seulement de« caractéristiques sociologiques» mais aussi de« l'orientation politico-idéologique». Cette hypothèse n'est guère étayée par le cas no 1 mais l'analyse du cas de ce restaurateur va dans ce sens, à condition de remarquer que son rapport à la politique procède, entre autres facteurs, davantage d'une vision générale du monde que d'une« orientation politico-idéologique» et que cette vision du monde est étroitement liée à une trajectoire et une position sociales donc, à des dispositions particulières. L'accent unilatéralement mis sur des aspects définis comme« politico-idéologiques» et sur les représentations, tend donc à autonomiser des éléments qui ne le sont pas dans la réalité, à simplifier un système de déterminations complexe et à ne pas prendre en compte des éléments décisifs comme la trajectoire sociale, la position sociale, la structure des ressources sociales de toutes natures dont dispose un agent, notamment le volume relatif de son capital culturel et économique, l'appartenance à des minorités ethniques, reli- gieuses ou idéologiques, les conditions de vie et de travail, le degré de dépendance ou d'indé- pendance à l'égard de l'État, des titres scolaires, du marché, des organisations collectives repré- sentatives, des dispositifs de protection sociale collective et d'autres choses encore.
19. Il explique que ses premiers votes étaient pour Brice Lalonde et parle ensuite de ses pré- férences pour les« Verts» sans faire de distinctions entre les deux.
20. Cet exemple montre qu'il est périlleux d'étendre à tous les agents sociaux les constats que l'on a pu faire pour les plus éduqués et les plus politisés d'entre eux et de conclure que« c'est la richesse et la plurivocité des significations politiques développées par les "électeurs ordinaires" qui s'imposent». Cf. Jean-Marie Donegani, art. cité, p. 166.
21. On voit qu'il est problématique d'affirmer que« les comportements et les attitudes des agents sociaux ont toujours une signification, que cette signification n'est accessible à l'enquê- teur qu'à la condition de mettre l'enquêté en situation de l'exprimer» et qu'on peut ainsi« rendre le comportement intelligible en dégageant par reviviscence le motif auquel il a obéi» (Jean-Marie Donegani, art. cité, p. 163 et 159). Le repérage des« motifs» est une opération méthodologiquement délicate. Il convient en chaque cas de s'interroger sur le statut des décla- rations obtenues dans une situation d'enquête et de ne pas confondre les raisons subjectives des choix avec d'éventuels rationalisations ou artefacts d'enquête.
22. Sur ces notions, cf. Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979.
23. Ce cas va dans le sens des observations plus générales d'Anne Muxel, « Les attitudes socio-politiques des jeunes issus de l'immigration maghrébine en région parisienne», Revue française de science politique, 38 (6), décembre 1988, p. 925-940
24. J'entends par là position de pouvoir, pas nécessairement au plus haut niveau de la hiérarchie considérée, dans un secteur particulier et limité du système social.
25. Sur les connexions entre l'appartenance aux professions indépendantes et l'adhésion à des visions du monde« conservatrice», cf. Nonna Mayer, La boutique contre la gauche, Paris, Presses de Sciences Po, 1986.
26. e éd., 1979. Rappelonstoutefois que les rares cas où des Amé ricains« franchissent la ligne» qui séparent les deux principaux partis coïncident avec des changements importants dans leur vie professionnelle ou personnelle, et que la permanence d'une identification partisane n'empêche pas la transformation des orientations dans d'autres domaines, par exemple l'évolution des opinions sur divers enjeux politiques. La contradiction est donc moins nette qu'il n'y paraît et trouve sans doute son origine dans les différences de« contexte» politique, par exemple, dans le statut très différent des« identifications partisanes» et, au-delà, dans les différences qui séparent les partis américains et européens.
27. On pourrait en déduire que les effets d'immunisation des orientations politiques anté- rieures, notamment l'effet d'immunisation du premier vote parfois signalé dans la littérature, ne se produisent que dans les cas où ces orientations sont suffisamment marquées et subjective- ment valorisées.
28. Rappelons que cet entretien a été effectué au début de l'année 2000, soit plusieurs mois avant le déclenchement d'une polémique publique d'une certaine ampleur sur le passé« trotskiste» du Premier ministre Lionel Jospin.
29. Ces constats vont dans le sens des conclusions de divers travaux qui ont souligné les divers effets provoqués par l'existence de pressions contradictoires. Cf., par exemple, Bernard R. Berelson, Paul F. Lazarsfeld, William N. McPhee, Voting. A Study of Opinion Formation in a Presidential Campaign, Chicago, University of Chicago Press, 1954. Les entretiens appro- fondis permettent toutefois de voir que l'appartenance à des milieux structuralement opposés ne produit pas automatiquement des« pressions croisées» et qu'il importe de corriger le carac- tère quelque peu objectiviste d'hypothèses qui ne prennent pas en compte d'autres facteurs sus- ceptibles d'entraver ou au contraire de renforcer les effets de socialisation (structuralement) contradictoires, comme le travail d'immunisation des convictions idéologiques, l'importance subjectivement accordée aux divers éléments de l'itinéraire biographique, par exemple l'incli- naison à neutraliser, à réactiver ou à hiérarchiser les expériences passées et, du même coup, les effets inégalement puissants des divers éléments de l'expérience sociale.
30. L'emploi des guillemets vise à rappeler que, dans cette perspective, on appelle« poli- tiques» tous les objets que les personnes interrogées considèrent elles-mêmes tacitement comme politiques, ne serait-ce qu'en les invoquant quand on les interroge sur leur rapport à la politique. J'ai développé ce point dans une analyse des définitions communes du politique :« Repérages du politique : regards disciplinaires et approche de terrain», Espaces Temps, 76-77, octobre 2001, p. 82-94.
31. De tels résultats conduisent à compléter les hypothèses classiques des recherches sur la socialisation politique concernant la transmission intergénérationelle des orientations poli- tiques et le primat de la socialisation familiale. La transmission intergénérationelle des préfé- rences politiques n'intervient en effet que dans la mesure où les socialisations ultérieures n'entrent pas en trop forte contradiction avec les socialisations familiales. Dans le cas où de telles contradictions surviennent, la transmission des préférences politiques ou idéologiques peut être apparente, superficielle ou partielle. Des enfants peuvent voter ou se situer politique- ment de la même manière que leurs parents, sans pour autant adhérer exactement aux mêmes orientations. Les membres des deux générations peuvent se situer de la même manière sur« l'échiquier politique» mais différer sous le rapport de la stabilité, de l'intensité, de l'attache- ment, de la signification ou du contenu politique, idéologique ou électoral de cette orientation, qui se révèle ainsi trop grossière pour apprécier la réalité de la transmission intergénérationelle. La question n'est plus alors seulement celle de la fréquence mais aussi celle des conditions de félicité et du contenu de la transmission.
32. De la même manière, les observations menées à l'aide d'entretiens approfondis sont certainement moins précises et développées que celles auxquelles on pourrait procéder à l'aide d'observations de type ethnographique. Mais, là encore, ce qui se paie en intensité se gagne en extension.
33. re éd. : 1951), p. 192.
34. On trouve ainsi une confirmation de la complémentarité des approches méthodolo- giques.
35. re éd : 1978) ;« Au-delà des apparences. Sur quelques problèmes de mesure des opinions», Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, mars 1990, p. 97-112 ;« Le vote désinvesti. Quelques éléments d'analyse des rapports au vote», Politix, 22, 1993, p. 138-164.
36. e éd., 2000. Sur la relation entre profession ou catégorie socioprofessionnelle et vote, cf. le chapitre rédigé par Gérard Grunberg et Etienne Schweisguth, dans Jacques Capdevielle et. al., France de gauche vote à droite, Paris, Presses de Sciences Po, 1981, et plus récemment, Daniel Boy, Nonna Mayer (dir.), L'électeur a ses raisons, Paris, Presses de Sciences Po, 1997, notamment le chapitre rédigé par les deux responsables de la publication.
37. Je ne suis pas en mesure de développer ici l'analyse de l'organisation, éventuellement de la réorganisation, des expériences sociales successives. Il faudrait, par exemple, pouvoir expliquer les conditions sociales et les processus subjectifs qui conduisent des individus à pri- vilégier certains aspects de leur histoire biographique dans une situation et un contexte donnés.
38. Sans parler de toutes les dimensions que, par facilité, on appelle« contextuelles».
39. Karl Marx, « Thèses sur Feuerbach», dans L'idéologie allemande, Paris, Éditions sociales, 1968, p. 31.
40. Ibid.
41. Ibid. Merci à Jean-Luc Parodi et aux lecteurs anonymes pour leurs remarques sur une version antérieure de ce texte.