Between the quest of nation and the discoveries of science. Quebec historiography seen by Ronald Rudin;Entre la quête de la nation et les découvertes de la science. L'historiographie québécoise vue par Ronald Rudin

Canadian Historical Review

Volumn 80, Issue 3, 1999, Pages 440-468

  Fecteau, Jean Marie ^a  

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EID: 62449316061     PISSN: 00083755     EISSN: 17101093     Source Type: Journal    
DOI: 10.3138/chr.80.3.440     Document Type: Review

References (41)

1. Jean-Pierre Wallot, «De l'indiscipline historique et de la régulation des passés au présent», Liberté 147 (1983): 62
2. R. Rudin, Faire de l'histoire au Québec (Sillery: Septentrion 1998)
3. Sauf si autrement indiqué, les chiffres entre parenthèses réfèrent à cette édition. Version originale anglaise: Making History in Twentieth-Century Quebec (Toronto: University of Toronto Press 1997)
4. On a fait reproche à Rudin d'avoir sous-estimé l'effort d'analyse historiographique faite par la profession au Québec. Mauvais procès s'il en fut, quand on pense qù part quelques articles de S. Gagnon (faisant moins l'analyse des conditions de production du savoir historique que la critique des résultats atteints) et l'oeuvre récente du sociologue J. Lamarre (Le devenir de la nation québécoise selon Maurice Séguin, Guy Frégault et Michel Brunet, 1944-1969 [Québec: Septentrion 1993]), pratiquement rien n'a été publié au Québec sur la question pour la période couverte par Rudin. À part les habituels relevés historiographiques et autres «états de la question» selon les différents domaines de recherche, on s'est surtout contenté de l'analyse rituelle et périodique (et toujours quantifiée) de la production de la Revue d'histoire de l'Amérique française (Harvey et Linteau en 1972, Coupal en 1983, Bouchard et Larouche en 1997). Pour une heureuse et récente exception, voir P. Régimbald, «La disciplinarisation de l'histoire au Canada français, 1920-1950», Revue d'histoire de l'Amérique française 51, 2 (1997): 163-200
5. R. Rudin, «Revisionism and the Search for a Normal Society: A Critique of Recent Quebec Historical Writing», Canadian Historical Review 73, 1 (1992): 30-61
6. Traduction française: «La quête d'une société normale. Critique de la réinterprétation de l'histoire du Québec», Bulletin d'histoire politique 3, 2 (1995): 9-42
7. Voir notamment J. Létourneau, «Québec d'après-guerre et mémoire collective de la technocratie», Cahiers internationaux de sociologie 90 (1991): 67-87
8. et surtout «Le «Québec moderne», un chapitre du grand récit collectif des Québécois», Revue française de science politique 42, 5 (1992) 767-787
9. Je me suis déjà prononcé sur cet article ailleurs. Voir J.-M. Fecteau, «La quête d'une histoire normale: réflexions sur les limites épistémologiques du «révisionnisme» au Québec», Bulletin d'histoire politique, 4, 2 (1995): 31-38
10. Je n'en prendrai pour exemple que la position récente de Allan Greer sur les Rébellions de 1837-1838, qui correspond tout à fait au paradigme «normalisateur» dénoncé chez les révisionnistes québécois: «The people involved in the two Canadas and in the United States spoke different languages, partook of different political cultures, and cherished a variety of aspirations. Yet, for all this internal diversity, this was a single historical phenomenon, and no phase of it can be fully understood in isolation from the whole». A. Greer, «1837-1838: Rebellion Reconsidered», Canadian Historical Review 1 (1995): 18. En fait, le nombre comme la qualité des historiens anglophones oeuvrant dans les départements d'histoire au Québec rend leur définition comme «outsiders», et leur exclusion de la «collectivité québécoise», pour le moins étrange
11. P. Novick, That Noble Dream: The Objectivity Question and the American Historical Profession (Cambridge: Cambridge University Press 1988). Dans l'article initial, Novick est utilisé essentiellement pour montrer le caractère «normalisateur» de l'historiographie américaine
12. «Le consensus en voie d́laboration dans la province de Québec, à savoir qu'elle devrait décider sereinement de son propre avenir, indépendamment de ce que pourrait penser le Canada anglais, indique une certaine confiance en soi. Cette attitude pourrait encourager le développement d'une vision post-révisionniste du passé qui souscrirait à l'idée révisionniste d'un Québec qui s'insère dans le modèle général de développement des sociétés occidentales, sans nier les variations rendues nécessaires par les circonstances locales». Rudin, «La quête», 37. On notera comment l'objectif visé est ĺcriture d'une histoire nationale
13. Voir la remarquable démonstration de R. Koselleck, Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques (Paris: EHESS 1990)
14. Par exemple, chez R. Brubaker, Nationalism Reframed. Nationhood and the National Question in the New Europe (New York: Cambridge University Press 1996)
15. Groulx est notamment au coeur du développement des mouvements de jeunes au début du siècle. Voir P. Savard, «Affrontement de nationalismes: aux origines du scoutisme canadien-français», Mémoires de la société royale du Canada 14 (1976): 41-56
16. L'action catholique dite «spécialisée» (jeunesses ouvrière, agricole, étudiante) et les groupements politiques de jeunesse (Jeunes Patriotes, Jeunes Canada, Jeunes Laurentiens) se développent dans ces années et formeront la pépiniè re des élites anti-duplessistes et celles qui feront la Révolution tranquille
17. On pense ici évidemment à Laurendeau, mais aussi à la recherche plus vaste d'une voie québécoise à la modernité. Sur ce vaste problème, voir notamment P. Southam, «Modernisation, question nationale et influences exogènes. Le discours élitaire sur les politiques sociales au Québec, 1930-1960» (Thèse PhD, Université Laval 1987)
18. Fait remarquable, après les célèbres escarmouches entre Brunet et Ouellet, l'essentiel de la critique faite à Ouellet repose sur une analyse empiriste rigoureuse de sa méthode comme de son interprétation (Gagnon, Wallot, notamment). Il faut souligner qu'en fait, c'est l'approche marxiste qui pousse le plus loin la version «malheureuse» de notre histoire, caractéristique de ĺcole de Montréal, et ce par le biais des études sur les méfaits du colonialisme. Voir, par exemple, A. D'Allemagne, Le colonialisme au Québec (Montréal: R.-B. 1966)
19. La chronologie de l'apparition de la «nouvelle histoire» reste assez floue chez Rudin, qui désigne Wallot et Dechêne comme étant au coeur de cette transition; («Wallot et Dechêne ont été des personnages de transition» (210). En fait, la période qui va de 1966 à 1971 semble être déterminante. En 1966 Wallot publie un article important sur l'histoire est les sciences sociales et appelle à une scientifisation accrue de l'histoire («l'historien n'a pas le choix. Il lui faut apprivoiser les nouvelles techniques d'information et d'analyse ... À ce stade-ci, en histoire du Canada, il nous semble plus important de multiplier les monographies fouillées et systématiques, indispensables et pourtant trop rares, notamment entre 1792 et 1840, que de larges synthèses à partir de données encore trop fragmentaires» J.-P. Wallot, «L'histoire, les sciences sociales et le Bas-Canada, 1791-1828», dans Un Québec qui bougeait (1966; Montréal: Boréal 1973), 43
20. Quelques années plus tard, le recueil d'articles publié par R. Durocher et Paul-André Linteau, Le retard du Québec et l'infériorité économique des Canadiens français (Montréal: Boréal 1971), manifeste déjà la dominance des tendances interprétatives de l'«histoire nouvelle»: accent sur le Québec et non sur le groupe ethnique, facteurs structuraux privilégiés aux dépens des explications pathologisantes (l'analyse de Ouellet y est écartée au profit d'un article de ĺconomiste P. Harvey qui met de l'avant une interprétation centrée sur le traumatisme psychologique et l'anthropologie)
21. «Pourquoi le Québec et les Canadiens français occupent-ils une place inférieure sur le plan économique?», Le retard du Québec et l'infériorité économique des Canadiens français (1971), ibid., 113-127
22. Dans le récent numéro commémoratif des cinquante ans de la Revue d'histoire de l'Amérique française, numéro à la facture très traditionnelle où les experts viennent faire le point sur ĺtat des travaux dans leur secteur de recherche respectif, l'article de Bouchard détonne par sa critique de la discipline historique québécoise. «L'histoire sociale au Québec. Réflexion sur quelques paradoxes», Revue d'histoire de l'Amérique française, 51, 2 (1997), 243-70
23. Naguère, il avait affirmé que le «paradigme modernisateur ... a à peu près accompli son programme ... Tout en refusant de récuser le postulat de la différence ou de la spécificité québécoise, il est impuissant à définir explicitement un contenu à ces notions». «Sur les mutations de l'historiographie québécoise: les chemins de la maturité», F. Dumont, dir., La société québécoise après 30 ans de changements (Québec: IQRC 1990), 262
24. «L'historiographie québécoise se distingue également, en cette fin de siècle, par la persistance d'une notion selon laquelle l'historien est engagé dans une entreprise scientifique et idéologiquement neutre» (247). Le point central ici est l'assimilation des concepts de scientificité et de neutralité. Il est pourtant tout à fait possible, comme l'a bien montré Ricoeur, d'intégrer dans une démarche se voulant rigoureusement scientifique la subjectivité historienne et de concevoir la notion d'objectivité comme décrivant non un état d'esprit, mais un rapport à l'objet. Voir P. Ricoeur, «Objectivité et subjectivité en histoire», Histoire et vérité (Paris: Seuil 1955), 23-44
25. Voir C. Colliot-Thélène, Le désenchantement de ĺtat: De Hegel à Max Weber (Paris: Editions de Minuit 1992)
26. C.G. Hempel, «The Function of General Laws in History», Theories and History (1942; New York: Free Press 1959), 344-56
27. Hans-Georg Gadamer, «La vérité dans les sciences humaines», La philosophie herméneutique (1953; Paris: Presses de l'Université de France 1996), 63-71
28. On assiste ainsi à ĺmergence de ce qu'il faut bien appeler une nouvelle normativité en histoire du Québec. Un des rares textes autobiographiques de la «génération» révisionniste exprime bien ce passage: «Les historiens de ma génération ... n'ont plus besoin de se battre pour avoir une place au soleil ou pour faire accepter, par les anciens, les nouvelles perspectives qu'ils proposent. Celles-ci ne sont d'ailleurs plus nouvelles, elles sont la nouvelle norme de l'historiographie, celle qui est proposée aux étudiants». P.-A. Linteau, «La nouvelle histoire du Québec vue de l'intérieur», Liberté, no. 147 (juin 1983): 46-47
29. L'expression est de A. Megill, «Recounting the Past: Description, Explanation and Narrative in Historiography», American Historical Review 94, 3 (1989): 636
30. On a ici la clef de la réticence à la critique des historiens «révisionnistes». S'il est déjà difficile de se faire «enfermer» dans ce qui paraît bien comme une école de pensée, il devient encore plus intolérable de se faire dire que cette école est en voie de dépassement. L'histoire «nouvelle» est une histoire capable de récupérer toutes les velléités de remise en question sous la catégorie générale de la «diversité des approches» et surtout des «nouvelles questions à explorer». À preuve cette sortie caractéristique contre Rudin: «Une présentation caricaturale et malhonnête de ceux qu'on critique décourage la discussion et n'est pas propre à susciter un débat constructif ... L'historiographie québé coise a déjà trop perdu de temps avec des débats qui tournaient en rond comme ceux sur la bourgeoisie et la Conquête ou la crise agricole. Aucune synthèse n'est parfaite et toutes sont appelées à être modifiées par les nouvelles connaissances issues de recherches originales. Il me semble plus fructueux de proposer des sujets qui méritent qu'on s'y attarde pour mieux éclairer le passé québécois». J. Dickinson, «Commentaire sur la critique de Ronald Rudin», Bulletin d'histoire politique 4, 2 (1995): 24-25
31. On trouvera un bel exemple de cette procédure de récupération dans R. Rémond, dir., Pour une histoire politique (Paris: Seuil 1988)
32. «Nul point de vue extérieur ne peut être tenu par rapport au temps historique. Les modèles construits à la façon des frises chronologiques ... sont inadéquats à sa représentation ... Ils laissent croire qu'une posture «constatative» et «désengagée», tout entière occupée à ĺtablissement des coordonnées temporelles et à la description des faits vrais, est tenable». B. Lepetit, «Le présent de l'histoire», B. Lepetit, dir., Les formes de l'expérience. Une autre histoire sociale (Paris: Albin Michel 1995), 295-296
33. Pour une contribution récente au débat au Québec, voir R. Comeau et B. Dionne, dir., À propos de l'histoire nationale (Québec: Septentrion 1998)
34. J.M. Careless, «Limited Identities in Canada», Canadian Historical Review 50, 1 (1969): 1-10
35. M. Bliss, «Privatizing the Mind. The Sundering of Canadian History, the Sundering of Canada», Journal of Canadian Studies 26, 4 (1992): 5-17
36. J.L. Granatstein, Who Killed Canadian History? (Toronto: HarperCollins 1998). On remarquera ici un intéressant glissement historique: les champs thématiques éclatés ont remplacé la région et l'ethnie comme Némésis d'une identité canadienne toujours menacée
37. J. Burgess, «Exploring the Limited Identities of Canadian Labour: Recent Trends in English-Canada and in Quebec», International Journal of Canadian Studies, no. 1-2 (printemps-automne 1992): 149-73, fait de ces approches une caractéristique spécifique de l'histoire ouvrière québécoise des années 1970-80, en parallèle avec sa préoccupation nationaliste
38. Dans le domaine de l'histoire des femmes, D. Baillargeon («Des voies/x parallèles. L'histoire des femmes au Québec et au Canada anglais (1970-1995)», Sextant, no. 4 (1995): 133-68), fait en gros le même constat
39. Opération tautologique bien représentée par G. Noiriel: «Il est possible de définir l'histoire comme l'ensemble des activités de savoir, de mémoire et de pouvoir dans lesquelles sont engagés tous les individus qui exercent le «mé tier» d'historien». Sur la «crise» de l'histoire (Paris: Belin 1996), 183
40. Exigence éthique écrasée non seulement, comme l'affirme McKay, par le post-modernisme et l'académisme, mais par l'empirisme à courte vue de nos procédures analytiques. Voir I. McKay, «Why Tell This Parable: Some Ethical Reflexions on the Dionne Quintuplets», Journal of Canadian Studies 29, 4 (1995): 144-152
41. «C'est la tension entre l'expérience et l'attente qui suscite de façon chaque fois différente des solutions nouvelles et qui engendre par là le temps historique». R. Koselleck, Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques (Paris: EHESS 1990), 314