La représentation électorale des minorités ethno-raciales aux états-unis

Revue Internationale de Politique Comparee

Volumn 11, Issue 3, 2004, Pages 457-469

  Sabbagh, Daniel ^a  

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EID: 34248057792     PISSN: 13700731     EISSN: None     Source Type: Journal    
DOI: 10.3917/ripc.113.0457     Document Type: Article

References (48)

1. Dred Scott v. Sandford, 60 U. S. 393 (1857).
2. Cf. FONER E., Reconstruction: America's Unfinished Revolution, 1863-1877, New York, Harper and Row, 1988.
3. Le nombre des électeurs noirs chute ainsi de plus de 90 % en Alabama et en Caroline du Nord et de plus des deux tiers dans l'Arkansas, le Mississippi et le Tennessee entre 1896 et 1904; cf. KLINKNER P., SMITH R., The Unsteady March: The Rise and Decline of Racial Equality in America, Chicago, The University of Chicago Press, 1999, p. 104, et, plus généralement, BERMAN M., Struggle for Mastery: Disfranchisement in the South, 1888-1908, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2001.
4. Le terme "ethno-racial" emprunté à l'historien David Hollinger (cf. HOLLINGER D., Postethnic America: Beyond Multiculturalism, New York, Basic Books, 1995, p. 8) se justifie par le fait que, dans le cadre du recensement, les Noirs sont considérés comme un groupe "racial", tandis que les Hispaniques sont censés constituer un groupe "ethnique" au statut quelque peu particulier; voir, plus généralement, NOBLES M., Shades of Citizenship: Race and the Census in Modern Politics, Stanford, Stanford University Press, 2000.
5. Cf. THERNSTROM A., Whose Votes Count? Affirmative Action and Minority Voting Rights, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1987, p. 2.
6. Cf. ALT J., "Race and Voter Registration in the South", in PETERSON P., Classifying By Race, Princeton, Princeton University Press, 1995, p. 319.
7. Cf. THERNSTROM A., op. cit., 1987, p. 44.
8. Dans l'arrêt Griggs v. Duke Power Co. (401 U. S. 424 (1971)), la Cour suprême avait en effet opéré une extension radicale de la notion de "discrimination", de manière à y inclure l'ensemble des procédures nominalement impartiales mais exerçant un effet discriminatoire sur certains groupes prédéfinis. Dans cette perspective, la "discrimination" ne désignerait plus uniquement les comportements reflétant l'intention de pénaliser un individu en raison de "[s]a race, de [sa] couleur de peau, de [s]a religion, d[e son] sexe ou de [son] origine nationale" (Civil Rights Act (1964), 42 U. S. C. Section 2003, §703 (a) (1)); elle recouvrirait aussi la discrimination indirecte, soit l'ensemble des pratiques qui, intentionnellement ou non, auraient un "impact [supprimer "[statistique]"] différencié " (disparate impact) sur les membres des différentes collectivités ethno-raciales et opéreraient au détriment de celles d'entre elles ayant déjà fait l'objet dans le passé d'une discrimination directe et intentionnelle de la part des pouvoirs publics.
9. Cf. THERNSTROM A., op. cit., 1987, pp. 34-52.
10. Apparu pour la première fois en 1812, ce terme est issu de la contraction du nom de l'ancien gouverneur du Massachusetts Eldbridge Gerry réputé pour l'habileté de ses manipulations de la carte électorale et du mot salamander (salamandre), censé évoquer l'extrême irrégularité de la forme des circonscriptions en résultant. Le gerrymandering pouvait se traduire aussi bien par la dispersion délibérée des membres du groupe visé dans différentes circonscriptions de sorte qu'ils ne puissent constituer une majorité dans aucune d'entre elles que par leur concentration "excessive" au sein d'une seule et même circonscription. Dans ce dernier cas, leur surnombre par rapport à la proportion du corps électoral qu'il leur aurait suffi d'atteindre afin d'être en mesure de faire élire le représentant de leur choix contribuait en effet à accentuer leur sous-représentation dans les circonscriptions adjacentes, ce qui y réduisait d'autant leur capacité à influer sur le résultat du scrutin. Voir plus généralement EMERI C., "Gerrymander, Gerrymandering", in PERRINEAU P., REYNIÉ, D. (dir.), Dictionnaire du vote, Paris, PUF, 2001, pp. 483-484.
11. Thornburg v. Gingles, 478 U. S. 30 (1986), p. 36 (souligné par nous).
12. Ibid., p. 36.
13. [Supprimer "En particulier"] Les situations dans lesquelles les électeurs noirs votaient dans leur grande majorité pour des candidats noirs et les électeurs blancs pour des candidats blancs étaient encore très fréquentes dans les années quatre-vingt-dix. Ainsi, à l'issue des élections de 1992, seuls 3 des 24 élus noirs à la Chambre des Représentants provenaient de circonscriptions où les Blancs étaient majoritaires (cf. ISSACHAROFF S., "Polarized Voting and the Political Process: The Transformation of Voting Rights Jurisprudence", Michigan Law Review, 90 (7), 1992, p. 1855). Dans les États du Sud en particulier, l'influence du facteur racial sur le choix des électeurs était particulièrement nette: si l'on considére, par exemple, l'ensemble des consultations électorales effectuées en Géorgie entre 1980 et 1988, on estime que 86 % des Blancs et 84 % des Noirs accordaient leur suffrage à un candidat du même groupe racial que le leur (cf. McDONALD L., "The 1982 Amendments of Section 2 and Minority Representation", in GROFMAN B., DAVIDSON C., Controversies on Minority Voting, Washington, Brookings Institution, 1992, p. 75 et, plus généralement, McDONALD L., A Voting Rights Odyssey: Black Enfranchisement in Georgia, Cambridge, Cambridge University Press, 2003). Rappelons cependant que, en principe, l'important est que la majorité des électeurs noirs vote (ou non) pour un candidat autre que celui qui recueille la majorité des suffrages des électeurs blancs, quel que soit le groupe racial auquel appartiennent ces candidats eux-mêmes: "Ce qui compte, ce n'est pas la race du candidat mais le fait qu'il ait été choisi par les membres d'une collectivité raciale donnée pour être leur représentant" (Thornburg v. Gingles, déc. cit., p. 68).
14. Ibid., pp. 36-37, 48-49, n. 15.
15. 3iIbid., pp. 35, 43. En réalité, le Congrès ne fait ici qu'avaliser le produit d'une volution jurisprudentielle antrieure; cf. Jean-François Mignot, Le Racial Redistricting aux États- Unis, mémoire de l'Institut d'Études Politiques de Paris, janvier 2004, pp. 56-68.
16. Cf. KOUSSER M., Color-Blind Injustice: Minority Voting Rights and the Undoing of the Second Reconstruction, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1999, pp. 55-57.
17. Chiffres calculés d'après des données recueillies sur les sites http://www.jointcenter.org/DB/table/graphs/beo-99.pdf et http://www.naleo.org/NALEOInc/Membership.html (consultés le 23 décembre 2002).
18. Cf. GROFMAN B., DAVIDSON C., "The Voting Rights Act and the Second Reconstruction", in GROFMAN B., DAVIDSON C., Quiet Revolution in the South: The Impact of the Voting Rights Act, 1965-1990, Princeton, Princeton University Press, 1994, p. 381; GROFMAN B., HANDLEY L., "The Impact of the Voting Rights Act on Black Representation in Southern State Legislatures", Legislative Studies Quarterly, 16 (1), 1991, p. 112.
19. Cf. http://www.jointcenter.org/DB/table/graphs/beo-99.pdf; http://www.uh.edu/~dsocs3/outlines /civilrights/black-edu-office.pdf (consultés le 23 décembre 2002).
20. Cf. http://www.jointcenter.org/DB/table/graphs/beo-99.pdf; MARABLE M., Beyond Black and White: Transforming African-American Politics, Londres, Verso, 1995, p. 129; TATE K., From Protest to Politics: The New Black Voters in American Elections, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1993, p. 1.
21. Cf. KING G., BRUCE J., GELMAN A., "Racial Fairness in Legislative Redistricting", in PETERSON P., op. cit., 1995, p. 107, n. 52. En fait, les instances chargées de procéder à ce type de redécoupage fixent généralement non à 50 % mais à 65 % la proportion de Noirs et d'Hispaniques qu'il serait nécessaire de rassembler dans le cadre d'une même circonscription pour que les membres de ces deux groupes disposent réellement de la possibilité de faire élire le représentant "de leur choix". En effet, il existe une série de facteurs cumulatifs susceptibles de faire obstacle à l'accomplissement de l'objectif visé en l'absence de cette "marge de sécurité" supplémentaire. Ainsi - et indépendamment même de l'exclusion des nombreux immigrés hispaniques non naturalisés - [ajouter tirets], parmi la population noire et (à un moindre degré) hispanique, la proportion des individus en âge de voter, d'une part, celle des individus qui, à l'intérieur de ce premier sous-ensemble, font la démarche de s'inscrire sur les listes électorales, d'autre part, et le pourcentage de ceux qui, parmi les inscrits, participent effectivement au scrutin, sont tous trois sensiblement inférieurs aux ratios correspondants pour la population blanche. Dans les deux derniers cas, cet écart est manifestement lié aux disparités de niveau éducatif entre les membres des différentes collectivités ethno-raciales, ainsi qu'à la jeunesse relative de la population noire et hispanique qui, au sein même de l'ensemble des plus de dix-huit ans, se révèle être un facteur d'abstention; cf. GROFMAN B., HANDLEY L., "Preconditions for Black and Hispanic Congressional Success", in RULE W., ZIMMERMAN J., United States Electoral Systems: Their Impact on Women and Minorities, New York, Greenwood, 1992, p. 34.
22. Cf. PILDES R., "The Politics of Race", Harvard Law Review, 108 (6), 1995, p. 1374; LUBLIN D., "Representation and Redistricting", in PETERSON P., [supprimer le titre] op. cit., 1995, pp. 112, 113.
23. Pour une série d'illustrations, voir PILDES R., art. cité, 1995, p. 1376, n. 79.
24. Cf. DOWNS A., An Economic Theory of Democracy, New York, Harper and Row, 1957, pp. 36-50.
25. Cf. SCHELLING T., "A Process of Residential Segregation: A Neighborhood Tipping", in PAS- CAL A., Racial Discrimination in Economic Life, Lexington, Lexington Books, 1972, pp. 157-184.
26. Cf. HUCKFELDT R., WEITZEL KOHFIELD C., Race and the Decline of Class in American Politics, Urbana, University of Illinois Press, 1989, pp. 50-56.
27. Cf. GUINIER L., "No 2 Seats - The Elusive Quest for Political Equality", Vi rginia Law Review, 77, 1991, pp. 1476-1492; en sens inverse, voir néanmoins CANON D., Race, Redistricting, and Representation: The Unintended Consequences of Black Majority Districts, Chicago, The University of Chicago Press, 1999.
28. C'est ce que montre en particulier une étude consacrée aux prises de position des représentants successifs de l'État de Caroline du Nord au Congrès, qui révèle l'étendue de l'hétérogénéité idéologique du parti démocrate et confirme que la ligne de fracture recoupe à peu près la dichotomie raciale, les démocrates noirs élus suite au redistricting se situant en général beaucoup plus à gauche sur l'échiquier politique que leurs prédé cesseurs blancs; cf. PILDES R., art. cité, 1995, pp. 1384-1385.
29. Cf. YARBROUGH T. E., Race and Redistricting: the Shaw-Cromartie Cases, Lawrence, University Press of Kansas, 2002.
30. Voir en priorité PHILLIPS A., The Politics of Presence, Oxford, Clarendon Press, 1995; Which Equalities Matter?, Oxford, Polity Press, 1999; WILLIAMS M., Voice, Trust, and Memory: Marginalized Groups and the Failings of Liberal Representation, Princeton, Princeton University Press, 1998; GUI- NIER L., The Tyranny of the Majority: Fundamental Fairness in Representative Democracy, New York, Free Press, 1994.
31. GAUCHET M., La Religion dans la démocratie, Paris, Gallimard, 1998, p. 114 (souligné par nous).
32. Ce qui reflète par ailleurs l'élargissement de la perspective adoptée par rapport au fonctionnement concret du redistricting, qui, aux États-Unis, ne concerne que les Noirs et les Hispaniques et non les femmes: voir, par exemple, Jane Mansbridge, "Should Blacks Represent Blacks and Women Represent Women? A Contingent "Yes"", Journal of Politics, 61 (3), 1999, pp. 628-657.
33. Nous reprenons ici la terminologie d'Amartya Sen; cf. SEN A., Inequality Reexamined, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1992, pp. 2-3.
34. Cf. GUINIER L., "Groups, Representation, and Race-Conscious Districting: A Case of the Emperor's Clothes", in CRENSHAW K., Critical Race Theory, New York, Free Press, 1995, pp. 206, 213.
35. Cf. KYMLICKA W., Multicultural Citizenship: A Liberal Theory of Minority Rights, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 138.
36. Cf. GUINIER L., "The Representation of Minority Interests", in PETERSON P., [supprimer le titre] op. cit., p. 35, et, plus généralement, GAY C., "The Effect of Black Congressional Representation on Political Participation", American Political Science Review, 95 (3), 2001, pp. 589-602.
37. Cf. MANIN B., Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995, chap. 5.
38. En un mot, "the fact that representatives do have considerable autonomy is part of why it matters who those representatives are" (PHILLIPS A., op. cit., 1995, p. 159).
39. GAUCHET M., [supprimer le titre] op. cit., 1998, p. 121.
40. Cf. PHILLIPS A., op. cit., 1995, p. 176.
41. On trouvera des éléments d'évaluation empiriques de ces différents arguments dans SWERS M., The Difference Women Make: The Policy Impact of Women in Congress, Chicago, The University of Chicago Press, 2002; TATE K., Black Faces in the Mirror: African Americans and Their Representatives in the U. S. Congress, Princeton, Princeton University Press, 2002.
42. PHILLIPS A., op. cit., 1995, p. 68.
43. PISIER E., "Des Impasses de la parité", dans Conseil d'État, Rapport public 1996: Sur le principe d'égalité , Paris, La Documentation Française, Études et Documents, no48, 1997, p. 393.
44. KYMLICKA W., op. cit., 1995, p. 140.
45. Il ne s'agit pas là d'une réflexion purement spéculative: le dispositif projeté est demeuré en vigueur durant près d'un siècle en Illinois pour l'élection des membres de l'assemblée législative de l'Etat, et il est encore fréquemment utilisé sur l'ensemble du territoire américain dans le cadre des élections professionnelles (cf. BENOIT K., SHEPSLE K, "Electoral Systems and Minority Representation", in PETERSON P., op. cit., pp. 61, 73, et, plus généralement, BOWLER S., DONOVAN T. et BROCKINGTON D., Electoral Reform and Minority Representation: Local Experiments with Alternative Elections, Columbus, Ohio State University Press, 2003). Indépendamment de l'agencement spécifique proposé par Guinier, on notera que la représentation proportionnelle au scrutin de liste présente α priori un avantage pour les femmes et les membres des minorités ethno-raciales, dans la mesure où la plus grande visibilité de leur sous-représentation parmi les candidats aux fonctions électives qui en serait la conséquence devrait susciter davantage d'interrogations quant aux raisons de cet état de fait. Alors que le scrutin majoritaire uninominal peut contribuer à faire apparaître l'élection d'une personne de sexe masculin dans neuf cas sur dix comme le résultat fortuit de l'agrégation des choix individuels opérés par les électeurs de chacune des neuf circonscriptions lesquels choix seraient, en eux-mêmes, dépourvus de visée discriminatoire [ajouter tirets], il est bien plus difficile de présenter comme l'effet du hasard la présence d'une seule femme sur une liste de dix candidats établie par l'un ou l'autre des partis en lice, car la responsabilité de cette disproportion peut alors être imputée à une seule et même instance décisionnelle clairement identifiable.
46. Cf. GUINIER L., art. cité, 1995, pp. 21, 41.
47. Par exemple, l'augmentation de la superficie des circonscriptions qui résulterait des modifications proposées présenterait l'inconvénient de conférer un avantage supplémentaire aux candidats dotés de ressources financières leur permettant d'avoir recours, pour leur campagne électorale, à des moyens de communication onéreux qui annulent l'obstacle de la distance spatiale (spots télévisés notamment), et de désavantager les candidats les moins fortunés qui, eux, dépendent davantage du porte-à-porte effectué par les militants de leur parti. D'autres objections [supprimer le tiret] sans doute plus décisives sont développées in BRIFFAULT R., "Lani Guinier and the Dilemmas of American Democracy", Columbia Law Review, 95, 1995, pp. 451-462.
48. À ce propos, voir plus généralement Daniel Sabbagh, L'Égalité par le droit: les paradoxes de la discrimination positive aux États-Unis, Paris, Economica, 2003, pp. 126-128, 360-363. L'auteur remercie Jean-François Mignot pour sa lecture attentive d'une première version de ce texte et les améliorations qui en ont résulté.